Les addictions sont des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères. Les chercheurs tentent de mieux décrire les mécanismes impliqués dans l’apparition, le maintien et les rechutes des addictions. Ils essaient aussi d’identifier les facteurs de vulnérabilité individuels, sociétaux et environnementaux, pour une meilleure prévention et prise en charge.
Les addictions les plus répandues concernent le
tabac (nicotine) et l’
alcool. Viennent ensuite le
cannabis et, loin derrière, les
opiacés (héroïne, morphine), la
cocaïne, les
amphétamines et dérivés de synthèse. Il existe également des addictions liées à des activités (et non à des substances), comme les
jeux d’argent, les
jeux vidéo, le
sexe ou encore les
achats compulsifs.
Des substances plus ou moins addictives souvent testées à l’adolescence
Des dépendances peuvent survenir à tout moment de l’existence, mais la période de 15 à 25 ans est la plus propice à leur émergence. Le comportement à risque des
adolescents et des
jeunes adultes facilite en effet les premières expériences, et l’usage précoce de drogues expose à un risque accru d’apparition d’une addiction par la suite. Dans l’ensemble, les
hommes sont plus souvent concernés par les addictions que les femmes.
Certaines substances semblent avoir un
pouvoir addictif supérieur à d’autres compte tenu de la proportion de personnes dépendantes parmi leurs consommateurs.
Le produit le plus addictif serait le tabac (32% des consommateurs sont dépendants), suivi par
l’héroïne (23%),
la cocaïne (17%) et
l’alcool (15%). La vitesse d’installation de la dépendance varie également en fonction des substances. Les dépendances au tabac, à l’héroïne et à la cocaïne peuvent se développer en quelques semaines, alors que celle à l’alcool est beaucoup plus lente.
Parmi les jeux vidéo, ceux en réseau sont réputés être les plus addictogènes, particulièrement les jeux de rôle multi-joueurs. Le pouvoir addictif des jeux d’argent n’a quant à lui pas été évalué.
Le cycle infernal des jeux de hasard et d’argentLes joueurs pathologiques sont en grande majorité des hommes, quadragénaires, souvent pères de famille. Ils pratiquent des jeux de hasard pur (roulette, machines à sous) ou de jeux mêlant hasard et stratégie (paris sportifs, poker, black jack). Le point de départ de leur pathologie est toujours un gain initial qui génère une émotion très positive et les incite à rejouer pour revivre ce moment « magique ». Puis le jeu et le gain s’imposent vite comme une manière de se sentir bien. Mais les pertes successives incitent le joueur à retenter inlassablement sa chance dans l’espoir de « se refaire », en augmentant les mises à mesure que les pertes s’accroissent. Les raisonnements deviennent erronés et vont à l’encontre des lois de probabilité que les joueurs connaissent pourtant généralement bien. Il s’écoule généralement plusieurs années entre le début du jeu et le moment où l’addiction est constituée. Le pourcentage de joueurs « pathologiques » dans la population générale est estimé à 1%.
Un diagnostic très normé
Le diagnostic de l’addiction (ou dépendance) repose sur des critères bien définis, fixés par des instances internationales de santé mentale et répertoriés dans un manuel, le
Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders (DSM), dont
la cinquième édition date de 2013. Parmi ces critères, on trouve la
perte de contrôle de soi, l’
interférence de la consommation sur les activités scolaires ou professionnelles, ou encore la
poursuite de la consommation malgré la prise de conscience des troubles qu’elle engendre.
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Un sujet est considéré comme souffrant d’une addiction quand il présente ou a présenté, au cours des 12 derniers mois, au moins deux des onze critères suivants :
• Besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou de jouer (craving) • Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance ou au jeu • Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances ou au jeu • Augmentation de la tolérance au produit addictif • Présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation ou du jeu • Incapacité de remplir des obligations importantes • Usage même lorsqu'il y a un risque physique • Problèmes personnels ou sociaux • Désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité • Activités réduites au profit de la consommation ou du jeu • Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques
L’addiction est qualifiée de faible si 2 à 3 critères sont satisfaits, modérée pour 4 à 5 critères et sévère pour 6 critères et plus. |
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Des conséquences délétères
Lorsqu’elles ne sont pas soignées, les addictions peuvent avoir une issue sévère, voire tragique. Celle-ci peut être directement liée àl’usage excessifde la substance (overdose, coma éthylique) ou provoquée par les effets secondaires à long terme (nombreux cancers associés à la consommation d’alcool et de tabac, troubles neurologiques et psychiatriques des consommateurs réguliers de drogue, contamination par le VIH...).Une étude coordonnée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime que la conduite sous influence d’alcool multiplie par 8,5 le risque d’être
responsable d’un accident mortel. Si le conducteur a également consommé du cannabis, ce risque est multiplié par 15.
L’usage répété de drogues favorise en outre les
troubles psychiques et cognitifs (difficultés de concentration, d’expression ou de mémorisation par exemple) qui peuvent peser sur les résultats scolaires ou professionnels, voire progressivement entrainer une
déscolarisation et une
marginalisation. A terme, une addiction sévère non soignée aboutit le plus souvent à l’
isolement, la
désocialisation et la
paupérisation.D’autres conséquences à plus long terme sont encore mal connues, en particulier celles relatives aux effets sur le cerveau de l’alcool et du cannabis consommés au moment de l’adolescence. Pendant cette période (jusqu’à l’âge de 20-25 ans), le cerveau est encore en maturation et paraît plus vulnérable aux effets toxiques. En outre, il a été constaté que plus la consommation est précoce, plus le risque de développer une addictionsur le long terme augmente. Des mécanismes complexes
L’installation d’une addiction implique au moins trois mécaniques :
- une augmentation de la motivation à consommer la drogue (recherche de plaisir),
- un état émotionnel négatif (recherche d’un soulagement),
- une diminution de la capacité à se contrôler (perte de contrôle de la consommation).
L’addiction démarre essentiellement avec le plaisir généré par la substance addictive. Cette sensation est due à des modifications électrochimiques s’opérant dans le cerveau en réponse à la consommation de la substance. On observe en particulier la libération de dopamine, la molécule « du plaisir » et de la récompense, dans le noyau accumbens. L’augmentation de la concentration de dopamine résulte de modifications au niveau des transmissions synaptiques dans différentes aires cérébrales, la substance consommée pouvant interférer avec des neurotransmetteurs ou leurs récepteurs.A cela s’ajoutent d’autres mécanismes, notamment la libération de sérotonine ou encore l’activation des récepteurs aux endorphines, des molécules endogènes impliquées dans l’antalgie et la sensation de bien-être. En cas de consommation régulière de drogue, la stimulation répétée de ces récepteurs entraîne une diminution de la production naturelle d'endorphines. Dès lors, le plaisir n’est plus obtenu que par l'apport de la substance extérieure, ce qui induit une augmentation de la tolérance à cette substance et un manque dès l'arrêt de sa consommation. Des remaniements cérébraux à long terme
D’autres mécanismes consolident l’addiction. L'organisme devient peu à peu insensible à la substance et à ses effets, le consommateur doit accroître les doses pour obtenir le même niveau de plaisir. La prise répétée de drogue modifie à long terme les réseaux cérébraux et perturbe la recherche du plaisir. Le réseau dopaminergique s’emballe et provoque un besoin incessant de plaisir. D’autres adaptations cérébrales finissent par créer un effet négatif chez le sujet dépendant (dysphorie, anxiété, irritabilité). Cet état émotionnel négatif, avec les sensations désagréables du sevrage, deviendrait alors la motivation principale à consommer (craving de soulagement), au-delà de la recherche d’effets plaisants (craving de récompense).
En outre, les substances addictivesmodifient la plasticité synaptique c’est à dire la capacité des neurones à se réorganiser entre eux pour intégrer de nouvelles données. Cela semble modifier le souvenir de l’expérience, pour le rendre peut-être plus agréable encore qu’il n’a été, et persistant au cours du temps, incitant à renouveler l’expérience.Enfin, des stimuli associés de manière répétée à la consommation de drogue (conditionnement), comme un lieu ou un moment de la journée toujours identique, peuvent à terme activer la libération de dopamine avant même la prise de la drogue. C’est ainsi qu’une dépendance psychique peut se créer, par exemple le besoin d’une cigarette au moment du café. Ce phénomène peut expliquer comment des signaux de l’environnement (publicité, bar, odeur d’alcool) peuvent déclencher une rechute même après une longue période d’abstinence. Des risques individuels et environnementaux à l’addiction
La survenue d’une addiction repose sur trois composantes : l’individu, le produit et l’environnement.Chaque individu est plus ou moins vulnérable à l’addiction et
une part de cette vulnérabilité est d’origine génétique. Elle reposerait sur des associations variées d’altérations affectant de nombreux gènes, chaque modification étant par elle-même inopérante. Parmi ces gènes, certains sont impliqués dans le système dopaminergique. Ainsi, l’allèle A1 du gène du récepteur à la dopamine DRD2 semble constituer, au moins pour certains, un facteur de risque d’addiction via la « recherche d’expériences » au sens large et des comportements impulsifs ou compulsifs.
Ces variations génétiques expliquent aussi en partie la
variabilité des effets ressentis par chacun face à une drogue. Des sensations agréables et des effets positifs sur le fonctionnement psychique (désinhibition, oubli des problèmes, amélioration des performances…) sont une incitation à renouveler l’expérience. Une
tolérance spontanée élevée avec des effets positifs et modérés est également favorable à l’émergence d’une addiction.
Sur le plan des comportements, les personnes montrant de l’anxiété, un caractère introverti ou encore une tendance dépressive, chez qui les psychotropes (en particulier l’alcool) vont améliorer le fonctionnement psychique, ont un risque accru de dépendance. C’est également le cas chez des personnes avides de sensations fortes.L’observation par IRM du cerveau de personnes dépendantes montre une
hypoactivation des régions corticales frontales et une
hyperactivation des régions impliquées dans la motivation, la mémoire, le conditionnement et les émotions. Mais il n’est pas clairement établi si cette dérégulation fonctionnelle est une prédisposition qui précède le développement de l’addiction, ou si elle résulte simplement de la consommation chronique de drogue.
Des
facteurs environnementaux sont également impliqués, notamment la
disponibilité du produit. Par exemple, le principal facteur de risque de dépendance au tabac est d’avoir grandi au sein d’un foyer de fumeurs, ce qui facilite l’accès au tabac. De même que l’addiction au cannabis est fortement associée au fait d’avoir eu des amis fumeurs au moment de l’adolescence.
Enfin, l’âge de début de consommation joue également un rôle. L’
initiation précoce est responsable d’une vulnérabilité accrue. Commencer à consommer de l’alcool au début de l’adolescence multiplie par dix le risque de devenir alcoolo-dépendant à l’âge adulte, par rapport à une initiation plus tardive vers l’âge de 20 ans.
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source : http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/addictions