PaxetBonum a écrit:Ma traduction dit : "Qui est l'image du dieu invisible, et qui est né avant toutes les créatures. Car tout a été créé par lui, dans le ciel et sur la terre, les choses visibles et les invisibles, soit les trones, soit les dominations, soit les principautés, soit les puissances ; tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant tous, et toutes choses subsistent en lui. Il est le chef et la tête du corps de l'église. (i, 15-18.)
Je suis étonné que vous ne connaissiez pas l'importance de l'usage du présent dans une telle phrase. 'Je SUIS, celui qui SUIS' ou 'Je SUIS, celui qui EST'
Bonjour PaxetBonum,
Je suis désolé mais la traduction du passage d'exode de l'hébreu au latin a totalement corrompu le texte !
"Je serai celui qui sera : אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה
On tient là, me semble-t-il, un exemple de la rupture entre la pensée sémitique (3,14 lu dans la Bible hébraïque) et la pensée gréco-romaine (le même texte lu par les docteurs chrétiens dans la Septante ou la Vulgate).
Le point de départ est un problème de traduction.
A la question de Moïse : Que leur dirai-je, s'ils me demandent quel est son Nom ?
La réponse de Dieu est : אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה
Le verbe hébreu "être" est conjugué au mode inaccompli (équivalent au futur) ; mot à mot "je serai qui serai".
Notons d'abord qu'en 3,15, au verset suivant, Dieu prononce le Nom Tétragramme : יהוה ( YOD HE VAV HE) .Les Septantes traduisent en Grec "egô eimi ho ôn" (je suis celui qui EST) et la Vulgate finalement, en Latin, "sum qui sum".
Le glissement est considérable ; un contresens absolu pour Ouaknin.
Martin Buber remarque justement : "on ne peut tirer du verbe, dans la langue biblique, ce sens d'existence pure".
Paul Ricoeur rapproche la traduction grecque de celle d'Apocalypse 1,4 : "ho ôn kai ho ên kai ho erkhomenos" : Celui est est, qui était et qui sera.
Il souligne l'usage christologique du verbe grec Einai (repris par en Latin par "esse") qui introduit une "incroyable variété d'interprétations" dans "l'histoire tourmentée des rapports entre hellénisme et judaïsme, hellénisme et christianisme".
Article signé Jacques Laporte de confession israëlite.
Références de cet article :
Paul Ricoeur, André LaCocque,Penser la Bible, Seuil.
Marc Alain Ouaknin,"Concerto pour 4 consonnes sans voyelles", Payot.
Martin Buber, "Moïse", PUF
“ JE SERAI CE QUE JE SERAI ”. Héb. : אהיה אׁשר אהיה (ʼÈhyèh ʼAshèr ʼÈhyèh). C’est ainsi que Dieu se désigne lui-même ; Leeser (angl.) : “ JE SERAI CE QUE JE SERAI ”. Rotherham (angl.) : “ Je deviendrai ce qu’il me plaît [de devenir] ”. Gr. : Égô éïmi ho ôn, “ Je suis L’Étant ”, ou : “ Je suis L’Existant ” ; lat. : ego sum qui sum, “ Je suis Qui je suis ”. ʼÈhyèh vient du vb. héb. hayah, “ devenir, être ”. Ici, ʼÈhyèh est à l’imparfait héb., à la première personne du sing., et signifie donc “ Je deviendrai ” ; ou : “ Je serai ”. Il n’est pas question ici du fait que Dieu existe par lui-même, mais de ce qu’il se propose de devenir pour d’autres. Cf. Gn 2:4, note “ Jéhovah ”, où le vb. héb. hawah, apparenté mais néanmoins différent, figure dans le nom divin."
Exode 3 :14. Elohîms dit à Moshè: « Èhiè ashèr èhiè ! Je serai qui je serai »
Il dit: « Ainsi diras-tu aux Benéi Israël:
‹ Je serai, Èhiè, m’a envoyé vers vous ›. »Chouraqui
Quant au passage où Jésus dit avant Abraham, je suis, c'est la traduction du grec koïné qui exprime ici une action en cours. Jésus était avant Abraham et il a continué à être et il continue encore. La traduction "avant ....j'étais" serait plus adaptée à la grammaire française, en effet en français, on comprends très bien que l'action se poursuit.C'est d'ailleurs le seul endroit où cette forme est traduite par le présent. Il est claire qu'il y a là une volonté de faire un rapprochement avec le texte de l'Exode mais c'est trahir le sens original des paroles de Jésus.
Concernant le fait que Jésus soit Dieu et appartient à une trinité, voici ce que disait Tertullien :“C’est afin que les hommes fussent bien convaincus qu’il n’y a rien qui n’ait pris naissance et n’ait eu un commencement, excepté Dieu. (...) Comment supposer qu’il y eut quelque chose, excepté le Père, qui soit plus ancien que le Fils de Dieu, son Verbe unique et premier-né et par là même qu’il y a quelque chose de plus noble que lui. (...) Ce [Dieu] qui n’a pas eu besoin d’un Créateur pour qu’il lui donne l’existence a un rang bien plus élevé que celui [le Fils] qui a eu un auteur" Contre Hermogène, chapitre 18.
Bonne nuit, au plaisir,
Pierre