Cela aurait pu être l’histoire de “La mère qui reprochait aux médecins d’avoir fait vivre son enfant”. Chacun y serait allé de son analyse et de son commentaire de haute volée caché derrière son clavier. Mais c’est avant tout l’histoire d’une femme qui retient ses larmes et se torture les doigts dans l’une des anonymes salles d’audience du palais de justice de Grenoble. Là où s‘écharpent habituellement les voisins pour une histoire de droit de passage ou les vendeur et acheteur de voiture sur Le Bon coin.
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- Au dernier rang de cette salle, la Grenobloise écoute son avocat Me Hervé Gerbi raconter son accouchement. C’était le 28 mars 2001 à la clinique Belledonne. Au terme d’une grossesse sans complication, elle donnait naissance, à terme et par césarienne, à Jack. Sauf que l’enfant, étranglé par le cordon ombilical, naissait sans vie. « Sans aucune activité électrique cardiaque », précise Me Gerbi.
« On ne peut pas faire vivre quelqu’un coûte que coûte »
Une expertise médicale établira plus tard que le cœur de l’enfant s’était arrêté de battre environ une demi-heure avant l’accouchement. Mais le pédiatre et l’anesthésiste-réanimateur, appelés en urgence, avaient réussi, après une quinzaine de minutes de réanimation, à relancer le cœur du bébé à la toute fin du temps de réanimation préconisé. Un enfant aujourd’hui âgé de 16 ans, souffrant d’importantes séquelles cognitives et physiques, qui se déplace en fauteuil électrique et qui a besoin d’une assistance permanente pour tous les actes de la vie quotidienne.
Sauf que Me Gerbi, distingue les manœuvres de réanimation qui peuvent être engagées pour un enfant en état de mort apparente ayant une activité électrique laissant espérer des chances de survie et ce que des experts ont qualifié de « manœuvres de “réssuscitation” pratiqué sur un enfant mort depuis une demi-heure ». « Le médecin doit s’abstenir de toute thérapeutique déraisonnable. Il peut refuser de réanimer s’il existe un risque de séquelles irréversibles graves. ?On ne peut pas faire vivre quelqu’un coûte que coûte », analyse Me Gerbi selon lequel l’enfant était donc déjà mort et non en état de mort apparente. « Dans un schéma théorique classique, toutes les manœuvres médicales sont correctes », concède l’avocat de la Grenobloise qui pose une question : « Était-il légitime de vouloir faire vivre cet enfant ? ».
« Tout ce qui pouvait être fait a été fait et correctement fait »
Sauf que pour Me Philippe Choulet, l’avocat du pédiatre, « le handicap de l’enfant ne vient pas de la réanimation ». « Le handicap est dû à une anoxie in utero due à l’arrêt cardiaque qui a été estimé à 30 minutes avant la naissance. Le pédiatre et l’anesthésiste n’en avaient pas connaissance quand ils ont effectué les manœuvres de réanimation », précise l’avocat lyonnais. Et « tout ce qui pouvait être fait a été fait et correctement fait », affirmait l’expertise médicale qui avait abouti à la mise hors de cause de la clinique et du gynécologue-obstétricien un temps mis en cause.
Le 18 janvier prochain, après s’être prononcé sur la largeur d’un chemin entre deux maisons, le tribunal rendra sa décision sur ce dossier et dira si les manœuvres pratiquées par les deux médecins peuvent être qualifiées d’acharnement thérapeutique. Restera cette question posée par les experts à la mère de Jack, en présence de son fils unique : « Madame, regrettez-vous la naissance de votre fils ? ». De quoi susciter la colère de Me Hervé Gerbi : « Comment ose-t-on demander cela à une mère ? ! » Il poursuit : « On peut avoir la joie de partager des beaux moments avec son enfant mais le devoir de se battre pour faire reconnaître les préjudices graves liés à son handicap. Poser cette question à une mère est indécent ».