Quelques règles élémentaires du takfir ( rendre mécréant )
D’un point de vue terminologique, il faut savoir que le kufr ( mécréance ) correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (éloges d'Allah sur lui) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains, cad fondement) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains, cad branche).
Notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).
Ainsi, les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr( mécréance qui ne fait pas sortir de l'islam ). C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah ( juger par autre qu'Allah), dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl, rendre licite quelque chose d'illicite), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz. Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991). Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue.
Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq (perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.
Pour certains savants, le kufr est synonyme du shirk, pour d’autres, le kufr a un sens plus général. Sheïkh el fawzân dit à ce sujet : « Il y a entre eux des
points communs et des différences. Tout mushrik est un kâfir, mais le contraire n’est pas forcément vrai étant donné qu’il existe plusieurs catégories de kufr : juhûd, takdhîb, ta’tîl. Dans ces cas, on parle uniquement de kâfir non de mushrik, étant donné que leur auteur ne croit pas en Dieu. Quant au mushrik, ce dernier croit en Allah, bien qu’il adore un autre avec Lui. Telle est la différence entre le mushrik et le kâfir. » [Voir durûs min el Qur-ân el Karîm (p. 181)]
En fait, le shirk comme nous allons le voir, est l’un des facteurs du kufr parmi tant d’autres. C’est pourquoi, les savants disent que tout shirk est du kufr, mais que le contraire n’est pas vrai, bien que les textes puissent utiliser le shirk dans le sens du kufr, conformément à la règle (itlâq el juz ‘ala el kull). Le contraire est aussi valable, on parle alors d’itlâq e-shaï bi ba’dh shu’abihi.
Le kufr se subdivise selon plusieurs critères :
1- En fonction de son statut, il se divise en kufr akbar et kufr asghar :
Le kufr akbar s’oppose radicalement à la foi et touche à l’essence même de la foi (asl el îmân) et son auteur est voué à l’enfer. On parle de kufr mukhrij min el milla.
Le kufr asghar s’oppose pour sa part à une foi parfaite réclamée (kamâl el iman el wâjib), mais ne fait pas sortir son auteur de la religion. On parle de kufr ghaïr mukhrij min el milla. Tous les petits et les grands péchés entrent dans cette catégorie.
2- En fonction des motivations de son auteur et de ses facteurs, le kufr se subdivise en six grandes catégories :
Premièrement el inkâr : (renier : quand on parle de sa provenance, autrement dit le coeur), e-takdhîb (démentir : quand on parle de l’organe par lequel il se matérialise), et du kufr el jahl (ignorance : quand on parle de sa motivation). Il est à noter que cette catégorie est peu courante en raison de la venue des prophètes par lesquels la preuve d’Allah est établie contre les hommes. Ibn el Qaïyim dit à ce sujet : «
Deux individus méritent le châtiment : le premier consiste à se détourner de la preuve d’Allah par négligence et à ne pas la vouloir ni la mettre en pratique ni mettre en pratique ce qu’elle implique. Le deuxième consiste à s’en détourner par orgueil après l’avoir reçue et à délaisser ses implications.
Le premier c’est du kufr i’râdh, Et le deuxième, c’est du kufr ‘inâd.
Quant au kufr el jahl sans que la preuve d’Allah ne soit venue et sans avoir la possibilité d’y avoir accès, c’est ce genre de kufr au sujet duquel Allah n’applique pas le châtiment, pas avant que la preuve prophétique ne soit appliquée. » [Voir : tarîq el hijrataïn (p. 414)]
Deuxièmement el juhûd : qui consiste à reconnaitre Allah avec le coeur, sans le traduire dans les paroles, comme c’est le cas pour Pharaon.
Le kufr juhûd : se divise en deux catégories :
en kufr mutlaq qui concerne le tahwîd erububiya, les lois d’Allah ou la mission des messagers,
et en kufr muqaïyid qui consiste à renier une obligation, un interdit, ou n’importe quel enseignement de la religion.
Troisièmement el ‘inâd : qui consiste à reconnaitre Allah avec son coeur et dans les paroles, mais sans pour autant se soumettre à sa religion comme Abû
Tâlib. Dans ce sens, nous avons le fameux kufr el îbâ (par refus) et el istikbâr (par orgueil) d’ibn Qaïyim qui concerne notamment Shaïtan et la plupart des Juifs.
Quatrièmement e-nifâq :
qui consiste à reconnaitre la religion avec la langue sans y adhérer avec le coeur. C’est le cas des hypocrites. Il est certes différent du kufr au niveau des apparences, mais en regard du devenir de son auteur dans l’au-delà, c’est une forme de kufr. Là aussi, il est question de nifâq akbar et nifâq asghar.
Cinquièmement el i’râdh : qui consiste à se détourner du message et à ne pas vouloir l’entendre sans forcément le démentir ou le renier.
Sixièmement e-shakk : qui consiste à ne pas totalement être convaincu du message prophétique.
3- en fonction des membres avec lequel il se matérialise, il se divise en
trois catégories :
El kufr el qalbî : qui concerne les éléments de la croyance qui touchent au kufr akbar (comme le reniement, le scepticisme, l’association dans les trois domaines du tawhîd : Rububiya, Ulûliya, el Asmâ wa e-Sifât).
El kufr el qawlî : qui concerne les paroles et touche aussi bien le kufr akbar que le kufr asghar. Il faut savoir ici que les paroles traduisent la croyance. Celui qui apostasie avec la langue, apostasie immanquablement avec le coeur, contrairement aux jahmites pour qui les paroles extériorisent la croyance, sans relever du kufr en elles mêmes ; c’est le dalîl zhâhir. Ainsi, peu importe que celui qui prononce le kufr soit convaincu par ses paroles ou non, étant donné qu’il les a dites en toute âme et conscience (tatâbuq e-zhâhir bi el bâtin). Seul le mukra (qui les prononce sous la contrainte) est excusable.
El kufr ‘amalî : qui concerne les actes et qui se subdivise en - en mukhrij min el milla qui correspond aux actes s’opposant littéralement à la foi (blasphémer, se prosterner devant une idole, uriner sur le Coran), - et ghaïri mukhrij min el milla comme le hukm bi ghaïri mâ inzala Allah et târik e-sâlat comme le souligne ibn el Qaïyim.
Ainsi, il est plus précis de classer le kufr de cette façon que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.
4- En fonction de savoir s’il provient d’un non-musulman ou d’un musulman, il se divise en deux catégories pour lesquelles la loi prévoit des statuts différents :
Kufr asrî : qui sont les non-musulmans (qui se divisent en gens du livre et en païens)
Kufr târî : c’est l’apostasie (ridda) qui se vérifie également au niveau du coeur, des paroles et des actes.
5- En fonction de son statut dans l’absolu (mutlaq) et appliqué sur un cas particulier (mu’aïyin) :
Le kufr el mutlaq a deux degrés : il peut concerner une croyance, une parole ou un acte (trinité, blasphème, manichéisme, etc.) comme il peut concerner une communauté particulière (Juifs, chrétiens, shiites duodécimains, et jahmites). Pour le cas particulier, le kufr el mu’aïyin n’est effectif qu’après avoir rempli
certaines conditions pour le prononcer et avoir palier à toute restriction possible.
Il est à noter trois choses ici :
1 - les branches du kufr n’ont pas toutes la même gravité et le même statut en regard de la loi, comme nous l’avons déjà vu.
2 - Une seule personne peut avoir en même temps en elle des branches du
kufr et des branches de l’islam, des branches de l’hypocrisie et de la foi, des branches du shirk (riyâ) et du tawhîd. La balance penche d’un côté ou de l’autre en fonction de l’intensité de chacune.
3 - Celui qui commet du kufr asghar perd le statut de croyant véritable (mu-min), bien qu’il reste musulman.
Il revient uniquement aux textes scripturaires de définir les éléments qui font ou qui ne font pas sortir de la religion. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que le takfîr est le droit exclusif d’Allah. Cela ne signifie nullement qu’on n’a pas le droit de taxer un musulman d’apostasie dans l’absolu, comme on pourrait le comprendre des paroles de certains savants comme Sheikh el ‘Uthaïmin.
Parfois le kufr consiste à ne pas se soumettre à la loi : cela se traduit au niveau des croyances qui vont à l’encontre des enseignements de la religion, des paroles (pour celui qui ne prononce pas le premier pilier de la foi, ce qui relève du kufr akbar) et des actes (qui touchent aux quatre autres piliers de l’islam).
Parfois, il consiste à enfreindre un interdit : il est de deux sortes :
Premièrement : les actes qui relèvent du kufr akbar à l’unanimité des savants ; ils s’opposent radicalement à la foi et vont à l’encontre des fondements mêmes de l’islam. Ils se vérifient également au niveau de la croyance, des paroles et des actes (comme la prosternation devant une idole, le blasphème, le shirk dans les trois domaines du tawhîd, le panthéisme, la réincarnation, la Trinité).
Deuxièmement : les actes qui ne relèvent pas du kufr akbar à l’unanimité des savants et qui ne s’opposent pas à la foi même (l’adultère, l’alcool, le meurtre, l’usure, le vol, le mensonge, la désobéissance aux parents, etc.). C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre les paroles des traditionalistes disant qu’ils ne taxent personne d’apostat pour un péché commis. Il faut le comprendre dans la mesure où ce péché n’est pas en relation avec l’essence même de la foi. Cela concerne donc autant les grands que les petits péchés, contrairement à la croyance des kharijites et des mu’tazilites, qui condamnent à l’Enfer l’auteur d’un grand péché.
Enfin, les détails que nous avons cités précédemment sur les questions du kufr (au niveau de la croyance, des paroles et des actes) concernent le domaine de l’absolu ou du cas général (du kufr el mutlaq). Quant au cas particulier (kufr el mu’aîyin), il faut attendre d’établir les preuves prophétiques contre son auteur (iqâmat el hujja) avant de statuer sur lui…
Ainsi, le takfîr est un sujet complexe, qu’il ne faut pas prendre à la légère. On ne peut s’y aventurer sans tenir compte de nombreux paramètres et facteurs. C’est dans ce sens que les traditionalistes disent qu’il appartient aux textes et aux savants, non qu’il soit interdit dans l’absolu de taxer un cas particulier d’apostat. Le musulman scrupuleux est sur ses gardes ; il ne fait pas preuve d’un zèle injustifié, et ne il joue pas sur un terrain glissant. Surtout si l’on sait qu’un tel jugement est lourd de conséquences. Voir : majmû’ el fatâwa (12/252) et manhâj e-sunna (5/92) d’ibn Taïmiya.
Prendre une fatwa général pour l'appliquer sur un cas particulier est interdit.
cheikh `Abdullah ibn `Abdul `Aziz al-Djibrine
Louange à Allah seul et que la paix et la bénédiction soient sur l'ultime
Prophète. Un fait connu et définitivement admis dans la croyance des gens de la Sunna et du Regroupement Communautaire (ahlul Sunna wal jamâ`a) est la distinction qui existe entre d'une part le fait de qualifier d'impiété ou de chirk
(association dans le culte d'Allah), une croyance, une parole ou un acte et d'autre part celui d'affirmer que tel musulman précis [est effectivement mécréant] parce qu'il adopte une pensée mécréante, commet un acte qui rend mécréant ou prononce une parole impie.
Juger une parole ou un acte comme étant une mécréance c’est énoncer le jugement légal général, mais pour affirmer qu'une personne précise ayant prononcé ou pratiqué une impiété qui exclut de la religion, (par exemple nier un point fondamental de la religion, injurier Allah ou insulter l'Islam), est effectivement mécréante, il faut s'informer parfaitement de la position de cette personne sur ces points, en cherchant à savoir si toutes les conditions requises pour le takfîr sont réunies ou non, et si toutes les entraves possibles à une telle sentence sont réellement absentes. Si donc toutes les conditions nécessaires pour la qualifier de mécréante sont vérifiées chez elle et qu'il n'y a aucune entrave légale à cette procédure, elle est alors jugée mécréante. En revanche,
s'il manque au moins une des conditions requises ou s'il existe ne serait-ce qu'une entrave, on ne peut la qualifier de mécréante.
Cheikh Al Islam Ibn Taymiyya –Qu’Allah lui accorde la miséricorde- a dit :
" Le takfîr a des conditions et des entraves qui peuvent ne pas être réunies dans le cas d'une personne précise. En outre, traiter [un acte] de mécréance de
manière générale n'implique pas nécessairement qu'on puisse traiter de mécréant l’individu précis qui le commet, sauf si les conditions requises sont présentes et les entraves absentes. Ce qui nous le prouve, c’est que l'Imam Ahmad et la plupart des imams qui ont fait ces déclarations d'ordre général, [à savoir que celui qui dit ou fait telle chose a mécru], n'ont pas eux-mêmes qualifié de mécréantes la plupart des personnes qui avaient précisément proféré ces paroles.
En effet, l'Imam Ahmad, pour prendre un exemple, a abordé les jahmites, or ces derniers l’avaient appelé à affirmer que le Qur'an est créé et à nier les attributs
divins, l'avaient mis à l'épreuve lui ainsi que tous les ulémas de son temps, avaient torturé les croyants et les croyantes qui refusaient de se convertir à la doctrine jahmite en les frappant, les emprisonnant, les tuant, les destituant de leurs postes, en leur coupant les vivres, en rejetant leur témoignage et en les abandonnant aux mains des ennemis. En effet, beaucoup de ceux qui
détenaient alors le pouvoir étaient des jahmites : ils étaient princes, juges, etc.… Ils accusaient de mécréance quiconque n'était pas jahmite, c'est-à-dire tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux, pour nier les attributs divins et dire que le Qur'an est créé. Ils agissaient avec eux de la même façon qu'avec les mécréants …
L'Imam Ahmad a néanmoins prié en faveur du calife et d'autres gens parmi ceux qui l'avaient frappé et emprisonné. Il demanda à Allah de leur pardonner et leur pardonna lui-même l’injustice qu'ils avaient commise à son encontre et le fait qu'ils l'avaient appelé à proférer des paroles relevant de la mécréance. S'ils avaient été apostats, il n'aurait pas été permis qu'on prie Allah de leur
pardonner car demander le pardon d'Allah pour les mécréants n'est pas
autorisé par le Qur’an, la Sunna et le Consensus communautaire. Ces paroles et actions, de sa part et de la part des autres imams, montrent clairement qu'ils n'ont pas déclaré mécréants des personnes précises parmi les jahmites qui disaient que le Qur'an est créé et qu'on ne peut voir Allah dans l'au-delà. Il a été cependant rapporté concernant Ahmad des propos qui indiquent qu'il a
qualifié de mécréants des individus précis pour ces mêmes raisons, c'est-à-dire parce qu'ils adoptaient les affirmations et la croyance des jahmites … On comprend donc qu’il y a un développement analytique à ce sujet: celui qui a été personnellement déclaré mécréant, l'a été en vertu de l'existence prouvée chez lui des conditions permettant son takfîr et de l'inexistence d’entraves pouvant s'opposer à cette qualification; quant à celui qui n'a pas été déclaré mécréant de façon spécifique c’est en raison de l'absence de ces éléments en ce qui le concerne. Ce, bien qu’il déclarait [les jahmites] mécréants de manière générale.
La source de ce principe se trouve dans le Qur’an, la Sunna, le Consensus [des savants de la communauté] et l'examen …
Le takfîr général est comparable à la menace générale du châtiment divin. On se doit effectivement de l'affirmer dans son sens général et absolu, mais affirmer que telle personne est mécréante ou qu'elle est destinée à l'Enfer requiert une preuve spécifique car le jugement dépend de la présence des conditions requises et de l'inexistence des entraves "
(Fin des propos de Cheikh Al Islam rapportés sous une forme écourtée)
Parmi les entraves pouvant empêcher de traiter de mécréant celui qui nie un point essentiel de la religion, il y a l'ignorance, par exemple dans le cas de celui qui vient de se convertir. Parmi les entraves pouvant empêcher de traiter de mécréant celui qui insulte Allah ou l'Islam, il y a le fait qu'il y soit contraint par la force et ainsi de suite. Ces entraves et d'autres encore seront expliquées par la suite inchâallâh.
A l'opposé, concernant celui qui se rend coupable de l'un des actes précédemment cités qui induisent la mécréance (comme le fait d'insulter
l'Islam), de manière délibérée - c.-à-d. qu'il ne s'agit pas d'un lapsus ou de quelque chose de ce genre, qu’il sait bien que les termes utilisés sont ceux de l'insulte et de l'injure et qu’il n'y est pas contraint-, si toutes les conditions requises pour le takfîr sont réunies et que toutes les entraves à cette
procédure sont absentes, alors dans ce cas on déclare que cette personne est mécréante. Cependant, seuls les hommes de science peuvent délivrer ce jugement comme cela sera expliqué plus loin inchâallâh.
Ce développement qui fait ressortir la différence entre le jugement général et le jugement sur un individu précis est présent dans nombre de préceptes de l'Islam.
Par exemple, l’ordre de couper la main au voleur est un jugement général et absolu énoncé par la loi.
Allah dit :
" Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main "
[S. al-Mâ'ida V. 38]
Mais il n'est permis de couper la main d'un voleur donné que si toutes les conditions sont réunies et que toutes les entraves levées. Ce voleur doit avoir
atteint l'âge de la raison, disposer pleinement de ses facultés mentales, avoir dérobé le bien alors qu’il était gardé en lieu sûr, il faut aussi que ce bien ait au moins la valeur minimale fixée pour qu'une main soit coupée et que le voleur n’ait pas fait de confusion sur ce bien, que les autres conditions de ce genre soient vérifiées. Une fois que toutes les conditions pour l'ablation sont réunies et qu'il a été vérifié que toutes les entraves légales possibles sont inexistantes, le jugement de l'amputation doit être appliqué en coupant la main de ce voleur.
De même, la loi stipule de façon générale et absolue, que l'enfant hérite de son père. Allah dit (sens du verset) :
" Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles "
[S. al-Nisâ' V. 11]
Mais il n'est permis de transmettre l'héritage de son père à un enfant qu'une fois que toutes les conditions de l'héritage sont vérifiées et que tout les empêchements s'avèrent inexistants. Il faut ainsi s'assurer que l'enfant a survécu
au père, qu'il a la même religion que son père, qu'il n'a pas tué son père, qu'il n'est pas esclave, etc. Une fois donc que toutes les conditions sont réunies chez cet enfant et que tous les empêchements ont été levés, on décide alors qu'il hérite de son père.
Dans le même esprit, le jugement général indique que le marié ou ex-marié qui se rend coupable de fornication est lapidé, mais il n'est permis de lapider un homme s'il a commis l'adultère alors qu'il est marié ou ex-marié, qu'une fois que toutes les conditions impliquant la lapidation sont vérifiées en ce que le concerne et que les empêchements à la lapidation sont inexistants. [Parmi ces
conditions,] il faut qu'il soit instruit du caractère illicite de la fornication. En effet, il se peut qu'il soit musulman depuis peu et qu'il ignore que c'est interdit. Il faut [pour qu'on lui applique la sanction] qu'il soit ou ait été marié [au moment des faits], qu'il n'y ait pas d’équivoque, etc. Si toutes les conditions
pour l'application de la lapidation sont réunies dans le cas de cet adultère et que les empêchements sont inexistants le concernant, on décrète alors sa lapidation.
Notes :
Majmu` al-Fatâwâ (Recueil de fatwas) 12/487-489, 498.
Extrait du livre : Les règles du takfîr d'un individu précis
Editions Assia
D’un point de vue terminologique, il faut savoir que le kufr ( mécréance ) correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (éloges d'Allah sur lui) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains, cad fondement) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains, cad branche).
Notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).
Ainsi, les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr( mécréance qui ne fait pas sortir de l'islam ). C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah ( juger par autre qu'Allah), dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl, rendre licite quelque chose d'illicite), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz. Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991). Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue.
Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq (perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.
Pour certains savants, le kufr est synonyme du shirk, pour d’autres, le kufr a un sens plus général. Sheïkh el fawzân dit à ce sujet : « Il y a entre eux des
points communs et des différences. Tout mushrik est un kâfir, mais le contraire n’est pas forcément vrai étant donné qu’il existe plusieurs catégories de kufr : juhûd, takdhîb, ta’tîl. Dans ces cas, on parle uniquement de kâfir non de mushrik, étant donné que leur auteur ne croit pas en Dieu. Quant au mushrik, ce dernier croit en Allah, bien qu’il adore un autre avec Lui. Telle est la différence entre le mushrik et le kâfir. » [Voir durûs min el Qur-ân el Karîm (p. 181)]
En fait, le shirk comme nous allons le voir, est l’un des facteurs du kufr parmi tant d’autres. C’est pourquoi, les savants disent que tout shirk est du kufr, mais que le contraire n’est pas vrai, bien que les textes puissent utiliser le shirk dans le sens du kufr, conformément à la règle (itlâq el juz ‘ala el kull). Le contraire est aussi valable, on parle alors d’itlâq e-shaï bi ba’dh shu’abihi.
Le kufr se subdivise selon plusieurs critères :
1- En fonction de son statut, il se divise en kufr akbar et kufr asghar :
Le kufr akbar s’oppose radicalement à la foi et touche à l’essence même de la foi (asl el îmân) et son auteur est voué à l’enfer. On parle de kufr mukhrij min el milla.
Le kufr asghar s’oppose pour sa part à une foi parfaite réclamée (kamâl el iman el wâjib), mais ne fait pas sortir son auteur de la religion. On parle de kufr ghaïr mukhrij min el milla. Tous les petits et les grands péchés entrent dans cette catégorie.
2- En fonction des motivations de son auteur et de ses facteurs, le kufr se subdivise en six grandes catégories :
Premièrement el inkâr : (renier : quand on parle de sa provenance, autrement dit le coeur), e-takdhîb (démentir : quand on parle de l’organe par lequel il se matérialise), et du kufr el jahl (ignorance : quand on parle de sa motivation). Il est à noter que cette catégorie est peu courante en raison de la venue des prophètes par lesquels la preuve d’Allah est établie contre les hommes. Ibn el Qaïyim dit à ce sujet : «
Deux individus méritent le châtiment : le premier consiste à se détourner de la preuve d’Allah par négligence et à ne pas la vouloir ni la mettre en pratique ni mettre en pratique ce qu’elle implique. Le deuxième consiste à s’en détourner par orgueil après l’avoir reçue et à délaisser ses implications.
Le premier c’est du kufr i’râdh, Et le deuxième, c’est du kufr ‘inâd.
Quant au kufr el jahl sans que la preuve d’Allah ne soit venue et sans avoir la possibilité d’y avoir accès, c’est ce genre de kufr au sujet duquel Allah n’applique pas le châtiment, pas avant que la preuve prophétique ne soit appliquée. » [Voir : tarîq el hijrataïn (p. 414)]
Deuxièmement el juhûd : qui consiste à reconnaitre Allah avec le coeur, sans le traduire dans les paroles, comme c’est le cas pour Pharaon.
Le kufr juhûd : se divise en deux catégories :
en kufr mutlaq qui concerne le tahwîd erububiya, les lois d’Allah ou la mission des messagers,
et en kufr muqaïyid qui consiste à renier une obligation, un interdit, ou n’importe quel enseignement de la religion.
Troisièmement el ‘inâd : qui consiste à reconnaitre Allah avec son coeur et dans les paroles, mais sans pour autant se soumettre à sa religion comme Abû
Tâlib. Dans ce sens, nous avons le fameux kufr el îbâ (par refus) et el istikbâr (par orgueil) d’ibn Qaïyim qui concerne notamment Shaïtan et la plupart des Juifs.
Quatrièmement e-nifâq :
qui consiste à reconnaitre la religion avec la langue sans y adhérer avec le coeur. C’est le cas des hypocrites. Il est certes différent du kufr au niveau des apparences, mais en regard du devenir de son auteur dans l’au-delà, c’est une forme de kufr. Là aussi, il est question de nifâq akbar et nifâq asghar.
Cinquièmement el i’râdh : qui consiste à se détourner du message et à ne pas vouloir l’entendre sans forcément le démentir ou le renier.
Sixièmement e-shakk : qui consiste à ne pas totalement être convaincu du message prophétique.
3- en fonction des membres avec lequel il se matérialise, il se divise en
trois catégories :
El kufr el qalbî : qui concerne les éléments de la croyance qui touchent au kufr akbar (comme le reniement, le scepticisme, l’association dans les trois domaines du tawhîd : Rububiya, Ulûliya, el Asmâ wa e-Sifât).
El kufr el qawlî : qui concerne les paroles et touche aussi bien le kufr akbar que le kufr asghar. Il faut savoir ici que les paroles traduisent la croyance. Celui qui apostasie avec la langue, apostasie immanquablement avec le coeur, contrairement aux jahmites pour qui les paroles extériorisent la croyance, sans relever du kufr en elles mêmes ; c’est le dalîl zhâhir. Ainsi, peu importe que celui qui prononce le kufr soit convaincu par ses paroles ou non, étant donné qu’il les a dites en toute âme et conscience (tatâbuq e-zhâhir bi el bâtin). Seul le mukra (qui les prononce sous la contrainte) est excusable.
El kufr ‘amalî : qui concerne les actes et qui se subdivise en - en mukhrij min el milla qui correspond aux actes s’opposant littéralement à la foi (blasphémer, se prosterner devant une idole, uriner sur le Coran), - et ghaïri mukhrij min el milla comme le hukm bi ghaïri mâ inzala Allah et târik e-sâlat comme le souligne ibn el Qaïyim.
Ainsi, il est plus précis de classer le kufr de cette façon que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.
4- En fonction de savoir s’il provient d’un non-musulman ou d’un musulman, il se divise en deux catégories pour lesquelles la loi prévoit des statuts différents :
Kufr asrî : qui sont les non-musulmans (qui se divisent en gens du livre et en païens)
Kufr târî : c’est l’apostasie (ridda) qui se vérifie également au niveau du coeur, des paroles et des actes.
5- En fonction de son statut dans l’absolu (mutlaq) et appliqué sur un cas particulier (mu’aïyin) :
Le kufr el mutlaq a deux degrés : il peut concerner une croyance, une parole ou un acte (trinité, blasphème, manichéisme, etc.) comme il peut concerner une communauté particulière (Juifs, chrétiens, shiites duodécimains, et jahmites). Pour le cas particulier, le kufr el mu’aïyin n’est effectif qu’après avoir rempli
certaines conditions pour le prononcer et avoir palier à toute restriction possible.
Il est à noter trois choses ici :
1 - les branches du kufr n’ont pas toutes la même gravité et le même statut en regard de la loi, comme nous l’avons déjà vu.
2 - Une seule personne peut avoir en même temps en elle des branches du
kufr et des branches de l’islam, des branches de l’hypocrisie et de la foi, des branches du shirk (riyâ) et du tawhîd. La balance penche d’un côté ou de l’autre en fonction de l’intensité de chacune.
3 - Celui qui commet du kufr asghar perd le statut de croyant véritable (mu-min), bien qu’il reste musulman.
Il revient uniquement aux textes scripturaires de définir les éléments qui font ou qui ne font pas sortir de la religion. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que le takfîr est le droit exclusif d’Allah. Cela ne signifie nullement qu’on n’a pas le droit de taxer un musulman d’apostasie dans l’absolu, comme on pourrait le comprendre des paroles de certains savants comme Sheikh el ‘Uthaïmin.
Parfois le kufr consiste à ne pas se soumettre à la loi : cela se traduit au niveau des croyances qui vont à l’encontre des enseignements de la religion, des paroles (pour celui qui ne prononce pas le premier pilier de la foi, ce qui relève du kufr akbar) et des actes (qui touchent aux quatre autres piliers de l’islam).
Parfois, il consiste à enfreindre un interdit : il est de deux sortes :
Premièrement : les actes qui relèvent du kufr akbar à l’unanimité des savants ; ils s’opposent radicalement à la foi et vont à l’encontre des fondements mêmes de l’islam. Ils se vérifient également au niveau de la croyance, des paroles et des actes (comme la prosternation devant une idole, le blasphème, le shirk dans les trois domaines du tawhîd, le panthéisme, la réincarnation, la Trinité).
Deuxièmement : les actes qui ne relèvent pas du kufr akbar à l’unanimité des savants et qui ne s’opposent pas à la foi même (l’adultère, l’alcool, le meurtre, l’usure, le vol, le mensonge, la désobéissance aux parents, etc.). C’est dans ce sens-là qu’il faut comprendre les paroles des traditionalistes disant qu’ils ne taxent personne d’apostat pour un péché commis. Il faut le comprendre dans la mesure où ce péché n’est pas en relation avec l’essence même de la foi. Cela concerne donc autant les grands que les petits péchés, contrairement à la croyance des kharijites et des mu’tazilites, qui condamnent à l’Enfer l’auteur d’un grand péché.
Enfin, les détails que nous avons cités précédemment sur les questions du kufr (au niveau de la croyance, des paroles et des actes) concernent le domaine de l’absolu ou du cas général (du kufr el mutlaq). Quant au cas particulier (kufr el mu’aîyin), il faut attendre d’établir les preuves prophétiques contre son auteur (iqâmat el hujja) avant de statuer sur lui…
Ainsi, le takfîr est un sujet complexe, qu’il ne faut pas prendre à la légère. On ne peut s’y aventurer sans tenir compte de nombreux paramètres et facteurs. C’est dans ce sens que les traditionalistes disent qu’il appartient aux textes et aux savants, non qu’il soit interdit dans l’absolu de taxer un cas particulier d’apostat. Le musulman scrupuleux est sur ses gardes ; il ne fait pas preuve d’un zèle injustifié, et ne il joue pas sur un terrain glissant. Surtout si l’on sait qu’un tel jugement est lourd de conséquences. Voir : majmû’ el fatâwa (12/252) et manhâj e-sunna (5/92) d’ibn Taïmiya.
Prendre une fatwa général pour l'appliquer sur un cas particulier est interdit.
cheikh `Abdullah ibn `Abdul `Aziz al-Djibrine
Louange à Allah seul et que la paix et la bénédiction soient sur l'ultime
Prophète. Un fait connu et définitivement admis dans la croyance des gens de la Sunna et du Regroupement Communautaire (ahlul Sunna wal jamâ`a) est la distinction qui existe entre d'une part le fait de qualifier d'impiété ou de chirk
(association dans le culte d'Allah), une croyance, une parole ou un acte et d'autre part celui d'affirmer que tel musulman précis [est effectivement mécréant] parce qu'il adopte une pensée mécréante, commet un acte qui rend mécréant ou prononce une parole impie.
Juger une parole ou un acte comme étant une mécréance c’est énoncer le jugement légal général, mais pour affirmer qu'une personne précise ayant prononcé ou pratiqué une impiété qui exclut de la religion, (par exemple nier un point fondamental de la religion, injurier Allah ou insulter l'Islam), est effectivement mécréante, il faut s'informer parfaitement de la position de cette personne sur ces points, en cherchant à savoir si toutes les conditions requises pour le takfîr sont réunies ou non, et si toutes les entraves possibles à une telle sentence sont réellement absentes. Si donc toutes les conditions nécessaires pour la qualifier de mécréante sont vérifiées chez elle et qu'il n'y a aucune entrave légale à cette procédure, elle est alors jugée mécréante. En revanche,
s'il manque au moins une des conditions requises ou s'il existe ne serait-ce qu'une entrave, on ne peut la qualifier de mécréante.
Cheikh Al Islam Ibn Taymiyya –Qu’Allah lui accorde la miséricorde- a dit :
" Le takfîr a des conditions et des entraves qui peuvent ne pas être réunies dans le cas d'une personne précise. En outre, traiter [un acte] de mécréance de
manière générale n'implique pas nécessairement qu'on puisse traiter de mécréant l’individu précis qui le commet, sauf si les conditions requises sont présentes et les entraves absentes. Ce qui nous le prouve, c’est que l'Imam Ahmad et la plupart des imams qui ont fait ces déclarations d'ordre général, [à savoir que celui qui dit ou fait telle chose a mécru], n'ont pas eux-mêmes qualifié de mécréantes la plupart des personnes qui avaient précisément proféré ces paroles.
En effet, l'Imam Ahmad, pour prendre un exemple, a abordé les jahmites, or ces derniers l’avaient appelé à affirmer que le Qur'an est créé et à nier les attributs
divins, l'avaient mis à l'épreuve lui ainsi que tous les ulémas de son temps, avaient torturé les croyants et les croyantes qui refusaient de se convertir à la doctrine jahmite en les frappant, les emprisonnant, les tuant, les destituant de leurs postes, en leur coupant les vivres, en rejetant leur témoignage et en les abandonnant aux mains des ennemis. En effet, beaucoup de ceux qui
détenaient alors le pouvoir étaient des jahmites : ils étaient princes, juges, etc.… Ils accusaient de mécréance quiconque n'était pas jahmite, c'est-à-dire tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux, pour nier les attributs divins et dire que le Qur'an est créé. Ils agissaient avec eux de la même façon qu'avec les mécréants …
L'Imam Ahmad a néanmoins prié en faveur du calife et d'autres gens parmi ceux qui l'avaient frappé et emprisonné. Il demanda à Allah de leur pardonner et leur pardonna lui-même l’injustice qu'ils avaient commise à son encontre et le fait qu'ils l'avaient appelé à proférer des paroles relevant de la mécréance. S'ils avaient été apostats, il n'aurait pas été permis qu'on prie Allah de leur
pardonner car demander le pardon d'Allah pour les mécréants n'est pas
autorisé par le Qur’an, la Sunna et le Consensus communautaire. Ces paroles et actions, de sa part et de la part des autres imams, montrent clairement qu'ils n'ont pas déclaré mécréants des personnes précises parmi les jahmites qui disaient que le Qur'an est créé et qu'on ne peut voir Allah dans l'au-delà. Il a été cependant rapporté concernant Ahmad des propos qui indiquent qu'il a
qualifié de mécréants des individus précis pour ces mêmes raisons, c'est-à-dire parce qu'ils adoptaient les affirmations et la croyance des jahmites … On comprend donc qu’il y a un développement analytique à ce sujet: celui qui a été personnellement déclaré mécréant, l'a été en vertu de l'existence prouvée chez lui des conditions permettant son takfîr et de l'inexistence d’entraves pouvant s'opposer à cette qualification; quant à celui qui n'a pas été déclaré mécréant de façon spécifique c’est en raison de l'absence de ces éléments en ce qui le concerne. Ce, bien qu’il déclarait [les jahmites] mécréants de manière générale.
La source de ce principe se trouve dans le Qur’an, la Sunna, le Consensus [des savants de la communauté] et l'examen …
Le takfîr général est comparable à la menace générale du châtiment divin. On se doit effectivement de l'affirmer dans son sens général et absolu, mais affirmer que telle personne est mécréante ou qu'elle est destinée à l'Enfer requiert une preuve spécifique car le jugement dépend de la présence des conditions requises et de l'inexistence des entraves "
(Fin des propos de Cheikh Al Islam rapportés sous une forme écourtée)
Parmi les entraves pouvant empêcher de traiter de mécréant celui qui nie un point essentiel de la religion, il y a l'ignorance, par exemple dans le cas de celui qui vient de se convertir. Parmi les entraves pouvant empêcher de traiter de mécréant celui qui insulte Allah ou l'Islam, il y a le fait qu'il y soit contraint par la force et ainsi de suite. Ces entraves et d'autres encore seront expliquées par la suite inchâallâh.
A l'opposé, concernant celui qui se rend coupable de l'un des actes précédemment cités qui induisent la mécréance (comme le fait d'insulter
l'Islam), de manière délibérée - c.-à-d. qu'il ne s'agit pas d'un lapsus ou de quelque chose de ce genre, qu’il sait bien que les termes utilisés sont ceux de l'insulte et de l'injure et qu’il n'y est pas contraint-, si toutes les conditions requises pour le takfîr sont réunies et que toutes les entraves à cette
procédure sont absentes, alors dans ce cas on déclare que cette personne est mécréante. Cependant, seuls les hommes de science peuvent délivrer ce jugement comme cela sera expliqué plus loin inchâallâh.
Ce développement qui fait ressortir la différence entre le jugement général et le jugement sur un individu précis est présent dans nombre de préceptes de l'Islam.
Par exemple, l’ordre de couper la main au voleur est un jugement général et absolu énoncé par la loi.
Allah dit :
" Le voleur et la voleuse, à tous deux coupez la main "
[S. al-Mâ'ida V. 38]
Mais il n'est permis de couper la main d'un voleur donné que si toutes les conditions sont réunies et que toutes les entraves levées. Ce voleur doit avoir
atteint l'âge de la raison, disposer pleinement de ses facultés mentales, avoir dérobé le bien alors qu’il était gardé en lieu sûr, il faut aussi que ce bien ait au moins la valeur minimale fixée pour qu'une main soit coupée et que le voleur n’ait pas fait de confusion sur ce bien, que les autres conditions de ce genre soient vérifiées. Une fois que toutes les conditions pour l'ablation sont réunies et qu'il a été vérifié que toutes les entraves légales possibles sont inexistantes, le jugement de l'amputation doit être appliqué en coupant la main de ce voleur.
De même, la loi stipule de façon générale et absolue, que l'enfant hérite de son père. Allah dit (sens du verset) :
" Voici ce qu'Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles "
[S. al-Nisâ' V. 11]
Mais il n'est permis de transmettre l'héritage de son père à un enfant qu'une fois que toutes les conditions de l'héritage sont vérifiées et que tout les empêchements s'avèrent inexistants. Il faut ainsi s'assurer que l'enfant a survécu
au père, qu'il a la même religion que son père, qu'il n'a pas tué son père, qu'il n'est pas esclave, etc. Une fois donc que toutes les conditions sont réunies chez cet enfant et que tous les empêchements ont été levés, on décide alors qu'il hérite de son père.
Dans le même esprit, le jugement général indique que le marié ou ex-marié qui se rend coupable de fornication est lapidé, mais il n'est permis de lapider un homme s'il a commis l'adultère alors qu'il est marié ou ex-marié, qu'une fois que toutes les conditions impliquant la lapidation sont vérifiées en ce que le concerne et que les empêchements à la lapidation sont inexistants. [Parmi ces
conditions,] il faut qu'il soit instruit du caractère illicite de la fornication. En effet, il se peut qu'il soit musulman depuis peu et qu'il ignore que c'est interdit. Il faut [pour qu'on lui applique la sanction] qu'il soit ou ait été marié [au moment des faits], qu'il n'y ait pas d’équivoque, etc. Si toutes les conditions
pour l'application de la lapidation sont réunies dans le cas de cet adultère et que les empêchements sont inexistants le concernant, on décrète alors sa lapidation.
Notes :
Majmu` al-Fatâwâ (Recueil de fatwas) 12/487-489, 498.
Extrait du livre : Les règles du takfîr d'un individu précis
Editions Assia
Dernière édition par abu-souheil le Lun 13 Mai - 16:31, édité 3 fois