Harmony a écrit:Vous avez bien dit de connexion ou d'addition. C'est en effet ce que tous les lexiques vous diront. Maintenant il est peut être nécessaire d'aller plus avant dans la distinction entre 'kai' et 'te', mais vous n'en parlez pas, soit.Bagoumawel a écrit:...Pourtant, j'oserais dire que la particule "te", dite "de connexion ou d'addition", ne me paraît pas être mal traduite dans le verset 5.
Si les recopistes des Actes avaient bien voulu utiliser le sens d'addition comme vous le dites, n'auraient-ils pas choisi la conjonction 'kai'. Celle ci est utilisée 5212 fois dans le Nouveau Testament, contre 192 fois pour la particule 'te'. L'utilisation de 'te' est donc très spécifique et ce n'est pas un hasard.
Comment distinguer l'emploi de l'un ou de l'autre ? Voilà ce que qu'en disait Joseph H. Thayer dans son lexique (traduction personnelle) :
" 'kai' introduit quelque chose de nouveau sous le même aspect, mais en tant qu'une addition externe, alors que 'te' marque une connexion interne avec ce qui précède ; de fait, 'kai' est la particule la plus générale et 'te' est celle qui est plus spécifique et plus précise ; 'kai' peut souvent être employé pour 'te', mais 'te' ne peut pas l'être pour 'kai'... [Dans le sens de 'te'] les éléments semblables sont ainsi connectés, de même que ceux qui sont unis l'un à l'autre par un lien interne, ..."
Si ma lecture et ma traduction du sens de 'te' au moyen du français "selon" ou "conformément à" vous gênent, ce que je peux comprendre en raison de votre explication de la présence de l'accusatif induisant l'accord d'un complément d'objet direct, dans ce cas il est certainement légitime de considérer le rendu suivant qui respecte le sens spécifiquement interne de la particule 'te':Autre question : ... grammaticalement, il n'y a rien qui vous choque ? Ne manque-t-il pas deux verbes ? Que devient le verbe "paraggelein" (ordonner, donner des instructions) ? Et que devient "terein" (qui signifie observer, garder, préserver) ? Car l'accusatif de "ton nomon Môuseôs" (la loi de Moïse) vient de ce verbe ! Littéralement, "legontes oti dei peritemnein autous paraggelein te têrein ton nomon môuseôs" se traduit : "disant qu'il faut les circoncire et [leur] ordonner [de] garder la loi de Moïse".
"disant qu'il faut les circoncire et ainsi d'observer la Loi de Moïse"
Dans ce rendu, l'accusatif est bien respecté pour le substantif "la Loi de Moïse" et le sens de la particule 'te' reste bien le même, restituant effectivement l'idée d'une circoncision exigée selon ou conformément à la Loi de Moïse.
La circoncision est bien une partie de la Loi de Moïse, il y a bien une connexion interne entre les deux et non pas une addition externe.
J'espère que cette petite explication technique apportera une aide utile.
En conclusion, la conférence de Jérusalem avait donc bien pour but de régler la question de la circoncision et non PAS de remettre en question toute la Loi de Moïse, une étrange disposition qui aurait été en complet désaccord avec les nombreux versets montrant l'attachement des apôtres à cette Loi, qui est aussi la Loi de Dieu.
Le peu de grec que j'ai fait date tellement que je ne suis pas en mesure d'en discuter sérieusement.
Vous comparez le nombre d'occurence de te dans le Nt à celui de kai, et c'est intéressant. On a à peu près un rapport de 1/25-1/30 suivant les concordances. Ce rapport est à peu près semblable à ce qu'on pouvait d'ailleurs trouver dans les textes grecs de l'époque.
Je voudrais cependant attirer votre attention sur l'emploi de te dans le seul livre des Actes. On y a un rapport de 1/5-1/6 ! Pour retrouver un tel rapport, il faut remonter dans le passé (l'emploi des conjonctions greques ayant évolué), par exemple chez Homère. Le but de l'auteur pourrait simplement être de créer un effet stylistique plus recherché, de réhausser le niveau littéraire de son texte.
Vous retraduisez donc :
"disant qu'il faut les circoncire et ainsi d'observer la Loi de Moïse."
Déjà, il faudrait traduire dans ce cas "disant qu'il faut les circoncire et ainsi leur ordonner d'observer la Loi de Moïse." : il ne faut pas oublier tereô, mais c'est un détail, quoique la phrase devient plus lourde et moins logique...
Je ne peux m'empêcher d'autre part de noter que te est passé dans vos traductions de "selon" et "conformément à" à "et ainsi". La phrase change de sens. Dans votre première traduction, le but est "les circoncire" et la manière est "la loi de Moïse". Dans la deuxième traduction le but est "observer la Loi de Moïse" et la manière est "les circoncire". La relation qui unit les deux membres de la phrase est inversée.
M. Thaye expliquait par ailleurs dans son lexique que kai était une particule conjonctive et te une particule adjonctive, ce qui signifie que kai additionne simplement des mots tandis que te intègre des mots à une catégorie connue : les mots joints par te ont une connection interne, car faisant partie d'un groupe (dans Actes 15,5, cette catégorie est l'ensemble des choses qu'il faut faire en ce qui concerne les païens : 1- les circoncire ; 2- leur prescrire d'observer la Loi de Moïse).
On peut prendre l'exemple d'Actes 10,22 : Dans la catégorie "qualités de Corneille" on a : 1- un homme juste et qui craint Dieu ; 2- un homme dont la réputation est bonne parmi la population juive toute entière.
Ce sens est plus évident avec l'emploi de te avec kai. (voir par exemple Actes 1,8)
Dans l'hypothèse d'une utilisation de te dans une recherche stylistique de l'auteur et en accord avec le lexique de M. Thaye, on est aussi en droit d'imaginer que l'auteur a remplacer un kai par un te.
Si l'auteur des Actes avait voulu dire et ainsi, n'aurait-il pas plutôt utilisé l'adverbe houtos (de cette manière, ainsi), qu'il a utilisé dans d'autres versets comme Actes 7,8 : kai houtos pour "et ainsi" ?
En laissant le Grec de côté maintenant, j'insiste sur le fait que ce concile de Jérusalem dont parle Actes 15 concerne uniquement les chrétiens d'origine païenne.
Dans tout le texte on ne parle que des païens :
Selon les chrétiens issus du pharisaïsme :
v5 : "soutenir qu'il fallait circoncire les païens"
Selon Pierre :
v7-11 : "les nations païennes ont entendu de ma bouche la parole de l'Evangile et sont devenues croyantes." etc
Selon ce que racontent Paul et Barnabas :
v12 : "puis l'on écouta Barnabas et Paul raconter tous les signes et les prodiges que Dieu, par leur intermédiaire, avait accompli chez les païens."
Selon Jacques :
v14 : "Syméon vient de nous rappeler comment Dieu, dès le début, a pris soin de choisir parmi les nations un peuple à son nom."
v19 : "de ne pas accumuler les obstacles devant ceux des païens qui se tournent vers Dieu"
Dans la lettre :
v23 : "Les apôtres, les anciens et les frères saluent les frères d'origine païenne qui se trouvent" etc
Et une dernière fois :
Actes 21, 25 : "Quant aux païens qui sont devenus croyants, nous leur avons écrit nos décisions : se garder de la viande de sacrifices païens, du sang, de la viande étouffée, et de l'immoralité."
Puisqu'il ne concernait que les chrétiens d'origine païenne, la circoncision était toujours pratiquée par les chrétiens d'origine juive après ce concile de Jérusalem. On sait d'ailleurs que les Nazaréens et les Ebionites la pratiquaient toujours.