Bonjour à tous.
En lisant récemment Textual criticism and qur’an manuscripts de Keith E. Small – ouvrage très intéressant dont je vous recommande la lecture – j’ai été amené à découvrir un fait particulier du Coran dont j’aimerais vous ici vous faire part.
Nous savons que l’édition actuelle du texte coranique a été établie en 1924 au Caire, en se basant sur une lecture spécifique et reconnue du monde sunnite : celle de Hafs. Cette lecture possède évidemment ses spécificités qui font ce qu’elle est, son caractère unique vis-à-vis des 6 ou 9 autres que l’islam sunnite reconnaît. Parmi celles-ci, il y a la divergence quant à l’orthographe du nom d’Abraham. En effet, comme l’auteur le mentionne dans son ouvrage, Ibrahim possède deux orthographes dans cette version du Coran : alors que dans l’ensemble du texte, il s’écrit ٳبرٰهيم (Ibrâhîm avec alif suscrit et ya, soit l'orthographe commune), chaque occurrence du terme dans la sourate deux apparaît sans le ya (ٳبرٰهم). Autrement dit, l’orthographe du mot change selon qu’il apparaisse dans la sourate deux, ou dans le reste du Coran. J’ai eu moi-même l’occasion de le vérifier dans la traduction d’Abdallah Penot ainsi que sur les sites qui proposent des scans du texte arabe, y compris nquran ; en revanche, j’ai pu constater que cela n’apparaît pas à chaque coup sur les sites qui réécrivent d’eux-mêmes le texte. Je suppose qu’il s’agit d’une erreur inconsciente de leur part, probablement due à l’habitude de la première orthographe, car je n’ose évidemment croire qu’un musulman puisse délibérément corriger le texte coranique.
La question se pose donc d’expliquer la présence de ces deux orthographes dans le texte même. Que l’orthographe d’un terme puisse changer selon les lectures du Coran, cela n’a rien d’exceptionnel. Pour Abraham, il est ainsi fait mention de différentes formes d’orthographe dans la tradition musulmane, ce qui est en partie confirmé par l’étude des manuscrits anciens : ٳبرٰهيم (Ibrâhîm, alif suscrit), ٳبرهيم (Ibrahîm, sans alif), ٳبرٰهم (Ibrâhim, alif suscrit sans ya), ٳبراهام (Ibrâhâm), ٳبرهام (Ibrahâm), ٳبراهيم (Ibrâhîm, avec alif), ٳبرهم (Ibrahim, Ibraham, Ibrahum). Il est déjà plus problématique de constater qu’elle peut varier selon rapporteurs d'une seule et même lecture. Mais comment expliquer qu’une seule et même version, en l'occurrence celle de Hafs, puisse écrire le même terme de deux manières différentes ?
C’est une question qui rejoint assez largement l’évolution de l’orthographe du mushaf ancien et peut-être aussi, comme le subodore l’auteur, le passage d’un espace théologique et linguistique donné à un autre. En tous les cas, le fait est que l’évolution de l’orthographe du mushaf ancien, notamment pour le hamza et le alif, semble rendre à la fois vain et absurde la prétention de détenir la lettre même du Coran : car l'observation des manuscrits, la comparaison des lectures et la logique même amène à penser que la lettre a inévitablement évolué en même temps que l’orthographe. Je termine par conséquent ce sujet en vous soumettant les difficultés et questions qu'il soulève :
a) Pourquoi Hafs orthographie Abraham de manière différente dans sa lecture ?
b) Comment prétendre détenir la lettre même du Coran si l'on considère que celle-ci a évolué ?
En lisant récemment Textual criticism and qur’an manuscripts de Keith E. Small – ouvrage très intéressant dont je vous recommande la lecture – j’ai été amené à découvrir un fait particulier du Coran dont j’aimerais vous ici vous faire part.
Nous savons que l’édition actuelle du texte coranique a été établie en 1924 au Caire, en se basant sur une lecture spécifique et reconnue du monde sunnite : celle de Hafs. Cette lecture possède évidemment ses spécificités qui font ce qu’elle est, son caractère unique vis-à-vis des 6 ou 9 autres que l’islam sunnite reconnaît. Parmi celles-ci, il y a la divergence quant à l’orthographe du nom d’Abraham. En effet, comme l’auteur le mentionne dans son ouvrage, Ibrahim possède deux orthographes dans cette version du Coran : alors que dans l’ensemble du texte, il s’écrit ٳبرٰهيم (Ibrâhîm avec alif suscrit et ya, soit l'orthographe commune), chaque occurrence du terme dans la sourate deux apparaît sans le ya (ٳبرٰهم). Autrement dit, l’orthographe du mot change selon qu’il apparaisse dans la sourate deux, ou dans le reste du Coran. J’ai eu moi-même l’occasion de le vérifier dans la traduction d’Abdallah Penot ainsi que sur les sites qui proposent des scans du texte arabe, y compris nquran ; en revanche, j’ai pu constater que cela n’apparaît pas à chaque coup sur les sites qui réécrivent d’eux-mêmes le texte. Je suppose qu’il s’agit d’une erreur inconsciente de leur part, probablement due à l’habitude de la première orthographe, car je n’ose évidemment croire qu’un musulman puisse délibérément corriger le texte coranique.
La question se pose donc d’expliquer la présence de ces deux orthographes dans le texte même. Que l’orthographe d’un terme puisse changer selon les lectures du Coran, cela n’a rien d’exceptionnel. Pour Abraham, il est ainsi fait mention de différentes formes d’orthographe dans la tradition musulmane, ce qui est en partie confirmé par l’étude des manuscrits anciens : ٳبرٰهيم (Ibrâhîm, alif suscrit), ٳبرهيم (Ibrahîm, sans alif), ٳبرٰهم (Ibrâhim, alif suscrit sans ya), ٳبراهام (Ibrâhâm), ٳبرهام (Ibrahâm), ٳبراهيم (Ibrâhîm, avec alif), ٳبرهم (Ibrahim, Ibraham, Ibrahum). Il est déjà plus problématique de constater qu’elle peut varier selon rapporteurs d'une seule et même lecture. Mais comment expliquer qu’une seule et même version, en l'occurrence celle de Hafs, puisse écrire le même terme de deux manières différentes ?
C’est une question qui rejoint assez largement l’évolution de l’orthographe du mushaf ancien et peut-être aussi, comme le subodore l’auteur, le passage d’un espace théologique et linguistique donné à un autre. En tous les cas, le fait est que l’évolution de l’orthographe du mushaf ancien, notamment pour le hamza et le alif, semble rendre à la fois vain et absurde la prétention de détenir la lettre même du Coran : car l'observation des manuscrits, la comparaison des lectures et la logique même amène à penser que la lettre a inévitablement évolué en même temps que l’orthographe. Je termine par conséquent ce sujet en vous soumettant les difficultés et questions qu'il soulève :
a) Pourquoi Hafs orthographie Abraham de manière différente dans sa lecture ?
b) Comment prétendre détenir la lettre même du Coran si l'on considère que celle-ci a évolué ?