Au nom d’Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux
Ibn ‘Abbâs et le ta-wîl
(Partie 1)
Voir : el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 553-558) de Faïsal el Jâsim.
Si nous revenons à la source, nous verrons que tarjumân el Qur-ân le Compagnon ibn ‘Abbâs n’avait pas recours au ta-wîl pour expliquer le Livre sacré des musulmans. Ce constat est intéressant à plusieurs titres. Il met en lumière notamment que des grands mufassir, comme ibn Jarîr e-Tabarî et ibn kathîr n’ont pas sombré dans l’interprétation aléatoire des textes scripturaires de l’Islam. Voici huit exemples des paroles du cousin du Prophète (r) qui prouvent, après analyse, que le ta-wîl ne faisait pas partie de son vocabulaire.
Premièrement : e-Tabarî, qui sera l’objet d’une prochaine étude in shâ Allah, rapporte d’après Ja’far ibn Abî el Mughîra, selon Sa’îd ibn Jubaïr, ibn ‘Abbâs (t) a dit au sujet du Verset : [Son Kursî est aussi large][1] : « Son Kursî, c’est Son Savoir. »[2]
Or, cette annale n’est pas authentique pour les raisons suivantes :
1- Elle est seulement rapportée par la voie de Ja’far ibn Abî el Mughîra, qui est jugé pour être « léger » (laïyin) par les spécialistes. Ibn Hajar nous résume l’opinion des savants à son sujet en ces termes : « Il est honnête, mais il se trompe. »[3]
Aux yeux des traditionnistes, cela signifie qu’il n’est pas possible de compter sur son seul témoignage, et cela, d’autant plus que le Sheïkh de qui il rapporte cette annale n’est autre que Sa’îd ibn Jubaïr, connu pourtant pour avoir une grande palette d’élèves. Ce qui jette d’autant plus le discrédit sur celle-ci. Sans compter que cette même annale va à l’encontre des autres témoignages des rapporteurs crédibles parmi les élèves de Sa’îd ibn Jubaïr. Tous ces éléments démontrent que cette annale, pour le moins singulière, est le fruit d’une erreur de ce fameux rapporteur. Voici de plus amples détails :
2- Ja’far ibn Abî el Mughîra va à l’encontre d’autres élèves de Sa’îd ibn Jubaïr qui sont plus crédibles que lui, comme nous venons de le voir. Selon Muslim el Battîn, selon Sa’îd ibn Jubaïr, ibn ‘Abbâs (t) a dit : « Son Kursî, c’est Son Marchepied ( mawdhi’ qadamaïhi), quant au Trône, il est immesurable. »[4]
Il faut savoir que Muslim el Battîn est le rapporteur le plus crédible des annales d’ibn Jubaïr. Il entre notamment dans l’éventail d’el Bukhârî et de Muslim. Ibn Manda dira même au sujet de Ja’far ibn Abî el Mughîra qu’aucune annale ne vient renforcer la sienne, sans compter qu’il n’est pas très fort dans les annales qu’il ramène d’ibn Jubaïr.[5]
3- Les grandes références en hadîth ont authentifié la version du « Marchepied» et ont mis de côté celle de Mughaïra sur le « Savoir ». Qu’on en juge :
• Abû Zur’a l’a authentifié, comme le mentionne ibn Manda dans e-tawhîd en disant : « Abû Zur’a fut questionné sur le hadîth d’ibn ‘Abbâs du « Marchepied». Ce dernier répondit : il est authentique. »[6]
• E-Dâraqutnî la rapporte dans e-Sifât avec sa propre chaîne narrative : selon el ‘Abbâs ibn Mohammed e-Dawrî, j’ai entendu dire Yahya ibn Ma’în, j’étais présent quand Zakariya ibn ‘Adî demanda à Waqî’ : « Abû Sufiân ! Qu’en est-il de ces hadîth (en faisant allusion au Marchepied pour le kursî) ?
- J’ai rencontré Ismâ’il ibn Khâlid, Sufiân, et Mas’ar, répondit Waqî’,ces derniers rapportent ces hadîth sans n’en donner aucun commentaire. »[7]
• Dans sa réfutation à el Mirrîsî, e-Dârimî souligne : « Nous disons à ce Mirrîsî : quant à l’annale d’ibn ‘Abbâs que tu rapportes, elle provient de la version de Ja’far el Ahmar ; on ne peut pourtant se fier à la version de ce dernier étant donné qu’elle contredit celles de rapporteurs experts et crédibles. Muslim el Battîn rapporte au sujet du kursîune version différente qu’il fait remonter à ibn ‘Abbâs en passant par Sa’îd ibn Jubaïr. Ensuite, il étala la chaine narrative en question. Puis, il expliqua qu’el Mirrîsî approuva ce hadîth et l’authentifia. »[8]
• Dans el Asmâ wa e-Sifât, el Baïhaqî rapporte les deux versions en questions. Il explique en effet : « Allah (I)révèle : [Son Kursî est aussi large que les cieux et la terre].[9] Nous avons rapporté selon Sa’îd ibn Jubaïr l’annale d’ibn ‘Abbâs disant qu’il s’agit de Son Savoir. Les autres versions d’ibn ‘Abbâs et autres expriment qu’il s’agit du fameux kursî qui est évoqué avec le Trône. »[10]
• Dans el ‘Ulû, e-Dhahabî affirme : « Ibn ‘Abbâs a dit : Son Kursî, c’est Son Savoir. Cette version est rapportée par Ja’far el Ahmar qui est « léger » (laïyin). El Anbârî explique que la chaine narrative de cette version est sujette aux critiques. »[11]
• Dans tahdhîb e-lugha, el Azharî explique pour sa part : « La version authentique d’ibn ‘Abbâs sur le Kursî, est celle qui est rapportée par e-Thawrî et d’autres, selon ‘Ammâr e-Duhanî, selon Muslim el Battîn. Puis, après l’avoir mentionné, il enchaine : « Les savants s’accordent à dire que cette version est authentique. Quant à celle selon laquelle ibn ‘Abbâs interprète le Kursî par le Savoir, celle-ci n’est pas certifiée par les spécialistes en la matière. »[12]
4- interpréter le Kursî par le Marchepied est conforme aux hadîth authentiques et aux annales des Compagnons (y) rapportés sur le sujet.
Selon Abû Dharr (t), le Prophète (r) a dit : « Les sept cieux sont par rapport au Kursî comme un anneau jeté dans un grand désert. Et la différence entre le Trône et le Kursî, est comme la différence entre cet anneau par rapport au désert. »[13]
Ibn Mas’ûd a dit quant à lui : « Entre le ciel et la terre, il y a une distance de cinq cents ans. Puis, entre deux cieux, il y a une distance de cinq cents ans, et le ghalzh de chaque ciel s’étend sur une distance de cinq cents ans. Puis, entre le septième ciel et le Kursî, il y a cinq cents ans, et entre le Kursî et l’eau, il y a cinq cents ans : le Kursîest au-dessus de l’eau, et Allah est au-dessus du Trône ; rien de vos actions ne Lui échappe. »[14]
Selon Abû Mûsâ (t) : « Le Kursî est le Marchepied. Ce dernier émet un bruit comme celui du chameau qui sert de nouvelle monture. »[15]
Des annales de ce genre, il en existe beaucoup d’autres. Ainsi, il devient évident que l’annale d’ibn ‘Abbâs parlant du Savoir est faible et singulière. Il n’est donc pas pertinent de s’en servir comme argument.
Deuxièmement : Certains contemporains se servent de l’annale d’ibn ‘Abbâs que rapporte e-Nasafî dans son tafsîr en exégèse au Verset : [Ton Seigneur viendra avec les anges],[16] et dont voici les termes : « viendra Son ordre ou Son jugement. » Cette même interprétation fut prononcée par el Hasan.
Or, cette annale n’a ni d’origine textuelle ni de chaine narrative qui remonterait à ibn ‘Abbâs ou à el Hasan el Basrî. Celle-ci est également inexistante dans les recueils d’annales.
Wa Allah a’lam !
À suivre…
Traduit par :
Karim Zentici
[1]La vache ; 255
[2]Rapporté par ibn Jarîr (9/3), et notamment el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 151).
[3]« sadûq yahim » ; voir : taqrîb e-tahdhîb (p. 201).
[4]Rapporté par ‘Abd e-Razzâq dans son tafsîr (3/251), et notamment ibn Manda dans e-radd ‘alâ el jahmiya (p. 44), et el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 474) ; Sheïkh el Albânî la authentifié dans mukhtasar el ‘ulû (p. 75).
[5]E-radd ‘alâ el jahmiya d’ibn Manda (p. 45).
[6]E-tawhîd d’ibn Manda (3/309).
[7]Rapporté par e-Dâraqutnî dans e-Sifât (p. 163) et el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 474).
[8] E-radd ‘alâ e-Mirrîsî (1/411).
[9]La vache ; 255
[10]El Asmâ wa e-Sifât (p. 497).
[11]El ‘Ulû (p. 117).
[12]Tahdhîb e-lugha d’el Azharî (10/54).
[13]Rapporté par ibn Jarîr (3/10), el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 474) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans ses silsilat e-Sahîha (1/174).
[14]Rapporté notamment par ibn ‘Abd el Barr dans e-tamhîd (7/139), et el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 507) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans mukhtasar el ‘Ulû.
[15]Rapporté par ibn Jarîr (3/9), el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 509) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans mukhtasar el ‘Ulû.
[16]L’aube ; 22
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Ibn ‘Abbâs et le ta-wîl
(Partie 2)
Voir :el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 558-561) de Faïsal el Jâsim.
Troisièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété le Verset : [et construis l’arche sous Nos Yeux].[1] Il aurait dit en effet : « sous notre vision. »
Nous pouvons donner deux réponses à cela :
La première : cette annale n’a aucune origine remontant à ibn ‘Abbâs qui serait certifiée. El Baghawî l’a mentionné en effet sans chaîne narrative. Or, la version reconnue d’ibn ‘Abbâs est celle disant : « … sou l’œil d’Allah ».[2]
Selon ‘Atâ, après avoir cité le Verset : [et construis l’arche sous Nos Yeux],[3] ibn ‘Abbâs a désigné son œil. Cela démontre qu’il concède à Allah d’avoir deux Yeux. Cette tendance est notoire chez des anciens comme Abû ‘Imrân el Juwaïnî, Qatâda, Mutarrif ; Khâlid ibn Mi’dân, Abû Nuhaïk, etc.
La deuxième : en admettant que cette fameuse annale soit certifiée, elle n’entre nullement dans le domaine du ta-wîl. Il s’agit en fait d’interpréter un terme par l’une de ses implications, étant donné qu’il va de soi qu’Allah voit et observe les agissements de Nûh (u). Les ruses que lui tramait son peuple n’ont pas échappé à Son Regard. C'est pourquoi Il lui fit savoir pour l’encourager qu’il ne devait pas avoir peur, car, Lui, le voit. Cela ne veut absolument pas dire qu’il faille donner un sens figuré aux deux Yeux. Nous disons même qu’il est possible d’interpréter ce Verset ainsi uniquement dans la mesure où on reconnait qu’Allah est doté de cet Attribut.
Il va sans dire que Noé n’était pas à l’intérieur de l’œil d’Allah, qui ne peut être mélangé à la création. L’interprétation en question consiste à dire qu’Allah le protège et le surveille.
En outre, reconnaitre les implications d’une chose, c’est reconnaitre cette chose elle-même, comme le dénote notamment le Verset : [Je suis avec vous deux, Je vois et J’entends].[4] Dire qu’ils sont sous Sa protection, ce n’est pas faire du mauvais ta-wîl, étant donné qu’en interprétant Ses deux Attributs par leurs implications, c’est les reconnaitre tout deux.
Dans sa réfutation à el Mirrîsî, e-Dârimî explique : « Quant à l’annale d’ibn ‘Abbâs que tu rapportes en exégèse au Verset : [tu es sous Nos Yeux],[5] et disant que tu es sous Notre protection et Notre surveillance. Dans l’hypothèse où cette annale soit authentique, celle-ci rejoint notre tendance, non la tienne. Il veut dire en effet que tu es sous Notre protection et Notre surveillance, par le biais de Nos Yeux. La langue arabe de parle pas de protection, si ce n’est que pour quelqu’un qui est doté des deux yeux. Si tu ignores la chose, alors ramène-nous une chose qui n’est pas douée des yeux et pour laquelle on pourrait parler de protection.
À l’origine, la protection est possible grâce à la vision, bien qu’on puisse l’utiliser sans parler de vision. Toujours est-il qu’il faut être doué de la vue pour se voir décrire ainsi. C’est exactement la même chose quand on parle de l’œil d’Allah. Tu dois bien comprendre cela ! »[6]
Abû el Hasan e-Zâghûnî explique pour sa part : « La deuxième méthode consiste à remettre en question l’interprétation à laquelle ils ont recours. Quant à l’annale : elle vogue sous Notre Vision. Celle-ci est contestable au niveau du sens littéral de l’expression, impliquant que la vision se fasse par les yeux. Ainsi, ils ne reconnaissent pas l’Attribut, mais ils reconnaissent ses implications. »[7]
Par ailleurs, el Ash’arî reconnait cet Attribut. Dans maqâlât el islâmiyîn en effet, il affirme en explication à la croyance traditionaliste : « Il a deux Yeux conformément au Verset [qui vogue sous nos yeux(au duel)].[8] »[9] Sous la section : la divergence sur l’œil, le visage, la main, etc. il explique : « Les traditionnistes (ashâb el hadîth) ont dit : nous nous contentons de dire comme Allah le Tout-Puissant, ou les paroles rapportées par le Messager d’Allah (r). Nous disons donc qu’Il a un Visage sans faire de description (bi lâ kaïf), deux Mains et deux Yeux sans faire de description. »[10]
Il explique également sous la section : voici quelques narrations de la tendance en général des traditionnistes et des traditionalistes (ahl e-sunna) : « Il a deux Yeux sans faire de description conformément au Verset [qui vogue sous nos yeux (au duel)].[11] »[12]
Abû el Hasan considère qu’en reniant cet Attribut (les deux Yeux d’Allah), les mu’tazilites s’éloignent des traditionalistes. Il dit notamment en parlant de la tendance mu’tazilite : section : leur tendance sur l’œil et la Main : «Certains d’entre eux reprochent de dire qu’Allah a deux Mains et reprochent de dire qu’Il a deux Yeux. »[13] Il est évident que lui-même reconnait cet Attribut.
Les premières grandes références ash’arites reconnaissaient également cet Attribut (les deux Yeux d’Allah) au même titre que leur maître spirituel. Le plus connu et le plus représentatif d’entre eux s’incarne en la personne d’Abû Bakr ibn e-Taïb el Baqallânî, l’auteur des paroles suivantes : « Allah affirme qu’Il est doté de Noms et d’Attributs… » Après avoir énuméré certains Attributs, il poursuit : « Les deux Yeux que le Coran considère clairement comme un Attribut et que confirment les annales venant du Messager (r) communément transmises. Allah dit notamment : [et que tu sois élevé sous nos yeux].[14] »[15]
Quatrièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété le Verset : [et le ciel, Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin].[16] Selon el Qurtubî, il aurait dit : « avec Notre Force et Notre Puissance. »
En réponse, nous disons :
Le terme Aïdin n’est pas le pluriel de Yad (Main).[17] Il s’agit du même terme que dans le Verset : [Et évoque Notre serviteur Dâwûd qui était doué de force].[18] El aïd signifie ici la force, du verbe âda yaîdu.
Pour celui qui n’en serait pas convaincu, penchons-nous vers l’explication d’Abû el Hasan el Ash’arî dans el ibâna. En réfutation aux jahmites et aux mu’tazilites qui interprètent la Main d’Allah, ce dernier souligne en effet : « Question : certains faibles d’esprit avancent au sujet du Verset : [et le ciel, Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin].[19]Comme Aïd a le sens de Puissance, il incombe d’interpréter de cette façon l’autre Verset : [de Mes Mains].[20]
Nous répondons que c’est une mauvaise interprétation pour les raisons suivantes :
Premièrement : le Aïdin en question n’est pas le pluriel de Yad. Le pluriel de yad est yaïdî, et le pluriel de yad dans le sens de bienfait est ayâdîn, alors qu’il s’agit ici : [que J’ai créé de Mes Mains].[21] Ainsi, pour Yadayya, il est faux de dire qu’il s’agit du même terme que dans le Verset : [Nous l’avons édifié avec Notre Aïdin]. »[22]
Ibn Khuzaïma explique pour sa part : « Certains jahmitesprétendent au sujet du hadîth : « Allah créa Adam de Ses Mains » ; qu’il s’agit de Sa Force, dans le sens où la Main serait la Force. Nous sommes là aussi dans le domaine de la falsification. C’est faire preuve d’une mauvaise connaissance de la langue Arabe, qui donne le nom de force au terme aïd non yad. Celui qui ne sait pas faire la distinction entre ces deux termes a plus besoin de revenir ou d’être ramené à l’école que de s’ériger le titre de savant et le droit de lancer des polémiques. »[23]
À suivre…
Traduit par :
Karim Zentici
[1]Hûd ; 37
[2]Rapporté par ibn Jarîr (12/34), et notamment el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 396), avec une chaîne narrative jugée potable par les spécialistes.
[3]Hûd ; 37
[4]Tâ-Hâ ; 46
[5]Le mont Tûr ; 48
[6] E-radd ‘alâ e-Mirrîsî (2/831).
[7] El îdhah fî usûl e-dîn (p. 293).
[8]La lune ; 14
[9]maqâlât el islâmiyîn (1/285).
[10]Idem. (1/290).
[11]La lune ; 14
[12]maqâlât el islâmiyîn (1/345).
[13]Idem. (1/271).
[14]Ta-Ha ; 39
[15]El insâf fî bayân sifât Allah ta’âlâ (p. 24).
[16]E-Dhâriyât ; 47
[17]Voir : lisân el ‘arab d’ibn Mazhnûr et mukhtar e-sihâh ; l’auteur du dernier ouvrage explique que seul el Azharî parmi les exégètes et les linguistes lui donnent le sens de main.
[18]Sâd : 17
[19]E-Dhâriyât ; 47
[20]Sâd : 75
[21]Sâd : 75
[22]El ibâna (p. 108).
[23]E-Tawhîd (p. 87).
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(Partie 3)
Voir :el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 561-567) de Faïsal el Jâsim.
Cinquièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété le Verset : [Allah est la Lumière des cieux et de la terre].[1] Selon Tabârî, il aurait dit qu’Allah guide les occupants des cieux et de la terre.
Nous disons en réponse :
Premièrement : cette annale tourne autour de ‘Alî ibn Abî Talha. Tous ceux qui la rapportent, dont notamment Tabârî, mais aussi el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-sifât (p. 102), la font passer par ce dernier. Or, cette chaîne narrative est ininterrompue (munqati’), étant donné que ce fameux ibn Abî Talha ne sait jamais instruit auprès du Compagnon. Dahîm affirme à ce sujet : « Il n’a pas entendu le tafsîr par la voie d’ibn ‘Abbâs. » Ibn Hibbân confirme : « Il impute des paroles à ibn ‘Abbâs, sans ne l’avoir jamais rencontré. »
En outre, les spécialistes divergent également sur sa crédibilité. Si certains, comme Abû Dâwûd, e-Nasâî et ibn Hibbân lui reconnaissent une certaine crédibilité, ce n’est pas le cas pour d’autres. Ya’qûb ibn Sufiân, par exemple, dit de lui : « Son hadîth est faible. Il est désapprouvé (munkar) et sa tendance n’est pas louable. »[2]
Ibn Hajr nous fait un résumé des paroles de savants sur cet homme : « Il est sadûq et peut faire des erreurs. »[3] E-Dhahabî explique quant à lui : « Ahmed affirme : il rapporte des choses désapprouvées. »[4]
Deuxièmement : dans l’hypothèse où cette annale serait authentique, celle-ci n’entre nullement dans le registre du ta-wîl. Allah (I) guide certes sur le droit chemin, mais cela ne l’empêche pas d’être une Lumière. L’un des sens dont revêt ce nom, c’est justement de guider Ses créatures. Ces deux choses vont obligatoirement ensemble. Ibn ‘Abbâs nous le faire savoir implicitement. D'ailleurs, la suite du Verset va dans ce sens : [Sa Lumière est comme] : autrement dit, Sa Lumière qui se trouve dans le cœur du croyant. Ce procédé était connu chez les anciens. Ces derniers expliquaient une chose par l’une de ses caractéristiques ou l’une de ses formes. Cela ne veut pas dire qu’ils ne tenaient pas compte des autres éléments, qui peuvent plutôt être implicites et indissociables.
Ex. : le « chemin droit » dont il est question dans la sourate L’ouverture fut interprétée de diverses façons. Selon les uns, il s’agit de l’Islam, pour les autres, c’est le Coran, pour une troisième tendance, il représente « la tradition et l’union », et pour d’autres enfin, il incarne le chemin de l’adoration.
Or, ses exégèses sont complémentaires et rendent parfaitement tout autant qu’ils sont, le sens en question.
Troisièmement : certains textes qualifient le Très-haut comme étant une Lumière. Le Coran révèle à ce sujet : [la terre s’est illuminée de la Lumière de Son Seigneur].[5]
En outre, d’après Muslim, selon Abû Mûsâ (t), le Messager d’Allah (r) s’est tenu au milieu de nous avant de nous donner un discours regroupant cinq choses. Il a dit : « Allah (U) ne dort pas et il ne Lui appartenait pas de dormir ; Il fait baisser ou monter la balance. Les œuvres de la nuit Lui sont montées avant le lever du jour et les œuvres du jour Lui sont montées avant la tombée de la nuit. Son Voile est une Lumière (Nûr) – selon la version d’Abû Bakr : Nâr –, s’Il le dévoilait toute la création sur laquelle s’étend Sa Vision se désintégrerait. »[6]
Selon Abû Dharr (t) également, dans le hadîth de l’ascension, ce dernier demanda au Messager d’Allah (r) : « Est-ce que tu as vu Ton Seigneur ?
- Comment pourrais-je le voir, Lui qui est une Lumière, répondit-il. »[7]
À son retour de Tâif, après avoir invité ses habitants à embrasser l’Islam, le Prophète (r) invoqua : « Je cherche refuge auprès de la Lumière de Ton Visage par lequel Tu as illuminé les ténèbres, et arrangea toute chose dans la vie d’ici-bas et celle de l’au-delà, etc. »[8] Cette dernière phrase donne l’explication de la Lumière, au même titre que la parole d’ibn ‘Abbâs disant qu’Allah guide les occupants des cieux et de la terre.
Abû el Hasan el Ash’arî lui-même décrit Allah comme étant une Lumière dans son fameux maqâlât el islâmiyîn, dans lequel il affirme que pour les traditionalistes : « … Il est une Lumière comme Il (I)le révèle : [Allah est la Lumière des cieux et de la terre].[9] »[10]
Sixièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété les textes qui parlent du Visage d’Allah : au sujet du Verset : [et il restera le Visage de Ton Seigneur, le détenteur de la Majesté et de la Magnificence],[11] selon el Qurtubî, le Compagnon aurait dit : « Le Visage exprime Sa Personne. »
En réponse : cette annale n’a aucune origine qui remonterait au cousin du Prophète (r). D’autres textes affiliés de façon certifiée à ce dernier reconnaissent clairement le « Visage ». Au sujet, en effet, du Verset : [Ceux qui ont fait des belles œuvres auront une belle récompense, et plus encore].[12] La récompense en plus dont il s’agit ici, c’est, à ses yeux, de voir le Visage d’Allah.[13] Pour l’autre verset : [Leur Seigneur, ils regarderont],[14] il affirme qu’ils regarderont Leur Créateur.[15]
Septièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété le terme Sâq : au sujet du Verset : [Le Jour où une jambe sera dévoilée].[16] Selon ce dernier (t), il s’agirait d’une peine atroce.
Nous disons en réponse :
1- Les Compagnons divergent sur l’exégèse de ce Verset. Pour ibn ‘Abbas et une partie d’entre eux, il s’agit certes de la difficulté, mais pour d’autres comme Abû Sa’îd et ibn Mas’ûd, il s’agit d’un Attribut divin. Quoi qu’il en soit, personne ne conteste que le Sâq soit un Attribut. La divergence règne sur le fait de savoir si le Verset en question fait allusion à cet Attribut ou non. Nul doute que le sens littéral de ce Verset ne prête pas à le dire. Le Sâq est ici un nom indéterminé dans une phrase affirmative. Il n’est pas affilié au Seigneur dans ce contexte. C’est ce qui a poussé ibn ‘Abbâs à ne pas compter ce Verset parmi ceux qui désignent les Attributs d’Allah.
Or, ceux qui considèrent qu’il désigne un Attribut, se servent pour appuyer leur opinion d’un hadîth que s’accordent à rapporter el Bukhârî et Muslim. Ils ne se sont pas fiés au sens littéral du Verset, comme l’opinion des premiers n’entre nullement dans le cadre du ta-wîl. Pour l’être, il aurait fallu donner au Verset un sens figuré, qui serait différent de celui qui s’impose à l’esprit. Ainsi, ibn ‘Abbâs n’a nullement eu recours au ta-wîl.
2- l’Attribut Sâq est mentionné dans les textes de la Tradition prophétique. Selon Abû Sa’îd (t), j’ai entendu dire le Prophète (r) : « Quand Notre Seigneur va dévoiler Sa Jambe, tout croyant et croyante va se prosterner. Seuls ceux qui se prosternaient par ostentation et notoriété sur terre resteront debout. Ils essayeront de le faire, mais leur dos sera comme une seule vertèbre (dans le sens où il restera droit ndt.). »[17]
À suivre…
Traduit par :
Karim Zentici
[1]La lumière ; 35
[2]Tahdhîb e-tahdhîb (7/393-341).
[3]Taqrîb e-tahdhîb (p. 698).
[4]El kâshif (2/41).
[5]Les groupes ; 69
[6]Rapporté par Muslim (179).
[7]Rapporté par Muslim (178).
[8]Rapporté par ibn ‘Adî dans el kâmil (6/2124) ; Sheïkh el Albânî l’a jugé faible dans dha’îf el jâmi’ (3107).
[9]La lumière ; 35
[10]maqâlât el islâmiyîn (1/285).
[11]Le Tout-Miséricordieux ; 47
[12]Yûnas ; 26
[13]Rapporté par el Baïhaqî dans el Asmâ wa e-Sifât (p. 133), avec une chaine narrative jugée pas mauvaise par les spécialistes.
[14]La Résurrection ; 23
[15]Rapporté également par el Baïhaqî dans el i’tiqâd (p. 133) ; il est à noter que sa chaine narrative comprend Salam ibn Sâbûr et ‘Atiya el ‘Awfî ; tous deux sont jugés faibles par les spécialistes.
[16]La plume ; 42
[17]Rapporté par el Bukhârî (4/1871) auquel les termes reviennent, et Muslim (183).
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Ibn ‘Abbâs et le ta-wîl
(Partie 4)
Voir :el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 567-572) de Faïsal el Jâsim.
Huitièmement : ibn ‘Abbâs aurait interprété le terme janb : au sujet du Verset : [ou bien que quelqu’un dise malheur à moi pour avoir été négligeant à l’égard (janb) d’Allah].[1] Selon ce dernier : « … pour avoir délaissé l’obéissance d’Allah, Son Ordre et Sa récompense. Mujâhid, e-Suddî, et el Hasan rapportent la même exégèse.
Nous disons en réponse :
Personne n’a jamais dit parmi les anciens que le janb était un Attribut d’Allah (I). Pour parler de ta-wîl, il faudrait déjà prouver que certains d’entre eux, le considéraient ainsi. Par conséquent, l’interprétation d’ibn ‘Abbâs et autres ne pose aucun problème. Malheureusement, beaucoup ne tiennent pas compte des variantes sémantiques que peut subir un terme en fonction du contexte et de certains indices. Ce manque de rigueur pousse indubitablement à l’erreur.
En réfutation à el Mirrîsî, e-Dârimî fustige : « L’adversaire reprend à son compte l’exégèse du Verset : [ou bien que quelqu’un dise malheur à moi pour avoir été négligeant à l’égard (janb) d’Allah].[2] Il prétend mensongèrement que certains savants pensent à un organe, alors qu’à ses yeux, ce serait une erreur de leur part.
Nous répondons à cet adversaire : le mensonge est insignifiant à tes yeux, et bien léger sur ta langue. Si tu étais vraiment sincère, tu nous indiquerais au moins un seul être humain ayant avancé une chose pareille. Sinon, pourquoi t’en prendre impunément, avec tes mensonges, à des gens qui connaissent bien mieux l’exégèse de ce Verset que toi ? Ces derniers sont mieux verset en tafsîr (ta-wîl) que ton Sheïkh et toi !
En explication à ce Verset, ils disent en effet que les mécréants regretteront profondément d’avoir négligé la foi et les vertus qui attirent vers la personne d’Allah. Ils ont plutôt fait le choix de la mécréance en se moquant des élus d’Allah. C’est la raison pour laquelle, ils les ont qualifiés de « moqueurs ». C’est de cette façon qu’ils ont interprété le janb.
Qui t’a informé qu’ils faisaient allusion au flanc physique. Bon nombre de gens simples pénètrent parfaitement le sens de ce Verset, et à fortiori les savants. Abû Bakr e-Siddîq disait : « Le mensonge s’oppose à la foi. » Quant à ibn Ma’sûd, il est l’auteur de ces paroles : « Il n’est pas permis de mentir, même en plaisantant. » Sha’bî affirme pour sa part : « Le grand menteur est un hypocrite. » »[3]
Voici le contexte dans lequel s’insère le Verset en question : [ou bien que quelqu’un dise : malheur à moi pour avoir été négligeant à l’égard (janb) d’Allah, alors que je comptais parmi les moqueurs •ou alors qu’il dise : si Allah m’avais guidé, j’aurai compté parmi les pieux • ou qu’il dise au moment de voir le châtiment devant lui : si c’était à refaire, je compterais parmi les bienfaisants • Pourtant, Mes Versets te sont venus, mais, enflé par l’orgueil, tu les a démentis en comptant ainsi parmi les mécréants].[4]
Ce passage nous relate les réactions des infidèles qui ont fait preuve d’injustice envers eux-mêmes. Il va sans dire que la plupart d’entre eux ne connaissent rien sur le janb d’Allah, ou, en tout cas, ils ne le reconnaissent pas sur terre. Il est peu probable que le Coran nous informe qu’ils y feront allusion le Jour de la résurrection. En fait, comme le souligne e-Dârimî, les mécréants seront pris ce jour-là par le profond remord d’avoir été négligeant, sur terre, envers Allah. Ils étaient négligents envers les commandements de la religion en enfreignant les interdictions et en délaissant les obligations. Or, ces fameux commandements ne font pas partie d’Allah que ce soit au niveau du janb ou ailleurs. Ils sont extérieurs à Sa Personne, cela semble pourtant élémentaire !
Il ne vient nullement à l’esprit en lisant ce Verset que le janb est un Attribut divin. Il fait plutôt allusion à l’obéissance qu’Allah est en droit de recevoir de Ses créatures. C’est le même genre d’annexion que nous retrouvons dans l’expression « sabîl Allah » (la voie d’Allah). Un hadîth va dans ce sens : « Celui qui se fait tuer injustement pour sauver ses biens est un martyr, Celui qui se fait tuer pour sauver sa vie est un martyr, Celui qui se fait tuer pour sauver sa famille est un martyr, Celui qui se fait tuer pour sauver son voisin est un martyr, et Celui qui se fait tué pour Allah (fî janb Allah) est un martyr. »[5]
Dans ce registre, nous avons les paroles suivantes d’Abû Dardâ (t) : « Tu ne seras jamais vraiment versé dans le savoir jusqu’à ce que tu déplaises aux gens pour Allah (fî janb Allah) ; puis, en faisant ton autocritique, que tu te rendes compte que tu es plus détestable que tout le monde. »[6]
Khâlid ibn Mi’dân tient le même discours en disant : « Un homme ne sera jamais vraiment versé dans le savoir jusqu’à ce qu’il voit les gens pour Allah (fî janb Allah) comme des chameaux (ou des crottes de chameaux ndt.) ; puis, en faisant son autocritique, il se rend compte qu’il est plus vil que tout au monde. »[7]
Dans lisân el ‘arab, ibn Manzhûr explique dans la rubrique ja na ba : « El Farrâ a dit : « Janb signifie proximité ; dans le Verset : [pour avoir été négligent à l’égard (janb) d’Allah]; il veut dire en se rapprochant d’Allah et en faisant partie de Son entourage. Le janb représente la plus grande partie d’une chose. Ex. : c’est peu par rapport à ton consentement (fî janb mawaddatik). »
Ibn el A’râbî affirme en explication au passage : [à l’égard (janb) d’Allah] : « En étant proche d’Allah en gagnant le Paradis. »
E-Zujâj a dit : « C’est-à-dire si je n’avais pas été négligent sur la route qui mène à Allah, et qu’Il m’a ordonné d’emprunter. Cette route qui est celle de Son unicité et de l’attestation de la prophétie de Son Messager, Mohammed.
D’où l’expression : crains Allah à l’égard (janb) de ton frère et ne dénigre pas son mollet. Autrement dit, ne le tue pas et épargne-lui d’être éprouvé. » »[8]
Traduit par :
Karim Zentici
[1]Les groupes ; 56
[2]Les groupes ; 56
[3] E-radd ‘alâ e-Mirrisî (2/807).
[4]Les groupes ; 56-59
[5]Rapporté par el Hârith dans son musnad, comme le mentionne ibn Hajar dans el matâlib el ‘âliya (9/200).
[6]Rapporté par Ahmed dans e-zuhd (p. 123), ibn Abî Shaïba dans el musannif (7/110), et el Khattâbî dans el ‘uzla (p. 61), avec une chaine narrative authentique.
[7]Rapporté par ibn el Mubârak dans e-zuhd (p. 99).
[8]lisân el ‘arab d’ibn Manzhûr dans la rubrique ja na ba.