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De l'historien anglais Edward Gibbon (1737-1794), traduite en français par François Guizot (1812).
Voir paragraphe sur:Déification:
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extrait
Déification.
Si les empereurs peuvent être accusés d'avoir passé les bornes de la prudence et de la modestie qu'ils avaient eux-mêmes tracées, c'est lorsqu'ils ont voulu être mis au rang des dieux (25). Ce culte impie, et dicté par une basse adulation, fut institué dans l'Asie en l'honneur des successeurs d'Alexandre (26). Des monarques il fut aisément transféré aux gouverneurs de cette contrée : bientôt les magistrats romains, adorés comme des divinités de la province, eurent des temples où brillait la pompe des fêtes et des sacrifices (27). I1 était bien naturel que les empereurs acceptassent ce que de simples proconsuls n'avaient pas refusé. Ces honneurs divins, rendus dans les provinces, attestaient plutôt le despotisme que la servitude de Rome : mais les nations vaincues enseignèrent à leurs maîtres l'art de la flatterie. Le génie impérieux du premier des Césars l'engagea trop facilement à recevoir pendant sa vie une place parmi les divinités tutélaires de la république. Le caractère modéré de son successeur lui fit rejeter ce dangereux hommage; et même par la suite tous les princes, excepté Caligula et Domitien, renoncèrent à cette folle ambition. Auguste, il est vrai, permit à quelques villes de province de lui élever des temples : mais il exigea que l'on célébrât le culte de Rome avec celui du souverain. Il tolérait une superstition particulière dont il était l'objet (28), tandis que, satisfait des hommages du sénat et du peuple, il laissait sagement à son successeur le soin de sa déification. De là s'introduisit, à la mort des empereurs, la coutume constante de les placer au nombre des dieux. Le sénat accordait, par un décret solennel, cet honneur à tous ceux de ses princes dont la conduite et la mort n'avaient point été celles des tyrans; et les cérémonies de l'apothéose (29) accompagnaient la pompe des funérailles. Cette profanation légale, mais si contraire à la nature, si opposée à nos principes, n'excita qu'un faible murmure (30) dans un siècle où le polythéisme avait tant multiplié les objets sacrés. Elle fut d'ailleurs reçue plutôt comme institution politique que comme institution religieuse. Ce serait dégrader les Antonins que de mettre leurs vertus en parallèle avec les vices de Jupiter ou d'Hercule : le caractère même de César ou d'Auguste était bien supérieur à celui des divinités populaires. Ces princes d'ailleurs vivaient dans un siècle trop éclairé, et leurs actions avaient trop d'éclat pour que l'histoire de leur vie fût mêlée de ces fables et de ces mystères qu'exige la dévotion du peuple : à peine leur divinité eut-elle été établie par les lois, qu'elle tomba dans l'oubli, sans contribuer à leur réputation, ou à la dignité de leurs successeurs.
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extrait
Jeux séculaires. Ann. 248, 21 avril.
Depuis Auguste, qui les avait fait renaître, ou plutôt institués (56), ils avaient été célébrés sous les règnes de Claude, de Domitien et de Sévère. Ils furent alors renouvelés pour la cinquième fois, et terminèrent une période complète de mille ans, depuis la fondation de la ville de Rome. Tout ce qui caractérisait les jeux séculaires contribuait merveilleusement à inspirer aux esprits superstitieux une vénération profonde. Le long intervalle qui s'écoulait entre les époques de leur célébration (57), excédait la durée de la vie humaine; aucun spectateur ne les avait jamais vus, et aucun ne pouvait se flatter d'y assister une seconde fois. On offrait, durant trois nuits, sur les rives du Tibre, des sacrifices mystérieux; et l'on exécutait dans le Champ-de-Mars des danses et des concerts, à la lueur d'une multitude innombrable de lampes et de flambeaux. Les esclaves et les étrangers étaient exclus de toute participation à ces cérémonies nationales. Vingt-sept jeunes gens, et autant de vierges, tous de famille noble et qui n'avaient pas perdu ceux dont ils tenaient le jour, se réunissaient en chœur et chantaient des hymnes sacrés. Après avoir imploré les dieux propices en faveur de la génération présente, après les avoir conjurés de veiller sur les tendres rejetons qui faisaient déjà l'espoir de la république, ils leur rappelaient la foi des anciens oracles, et les suppliaient de maintenir à jamais la vertu, la félicité et l'empire du peuple romain (58). La magnificence des spectacles donnés par Philippe éblouit les yeux de la multitude; les esprits religieux étaient entièrement absorbés par la célébration des rites de la superstition : le petit nombre de ceux qui réfléchissaient méditait l'histoire de Rome, et jetait en tremblant des regards inquiets sur les destins futurs de l'empire.
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Extrait:
Les anciens sages avaient méprisé la superstition du peuple : après en avoir déguisé l'extravagance sous le voile léger de l'allégorie, les disciples de Plotin et de Porphyre s'en montrèrent les plus zélés défenseurs. Comme ils s'accordaient avec les chrétiens sur quelques points mystérieux de la foi, ils attaquèrent les autres parties de leur système théologique avec toute la fureur des guerres civiles. Les nouveaux platoniciens méritent à peine d'occuper une place dans l'histoire des sciences; mais on les voit très-souvent paraître dans celle de l'Église.