Séleucide a écrit:Voilà la question islamique, provenant d'une exégèse/croyance/concept islamique.
Tel n'est certes pas la question pour les catholiques.
Je ne vois pas quel est le rapport avec l'Islam.
Je veux bien admettre que le bien et le mal sont subjectifs, et que les acceptations de ces notions varient d'une culture à l'autre, et éventuellement, d'une religion à une autre. Mais les musulmans ne sont pas des extraterrestres ; ils partagent, avec les chrétiens et les juifs, un héritage religieux source de valeurs morales communes et partagées. L'adultère, par exemple, est condamné à la fois par la Loi de Moïse, le Christ, et le
Coran. Par conséquent, le fait que le roi David, ancêtre du Messie et un des rédacteurs supposés des Psaumes, soit décrit comme coupable d'adultère dans certains textes bibliques pose bien un problème moral pour ceux qui croient en ces textes, c'est-à-dire les juifs et les chrétiens. Un problème qui pourrait se formuler ainsi : puis-je considérer comme fiable et inspirée la parole d'un homme qui a violé le septième commandement de Dieu ?
Les musulmans n'ont pas le monopole de la condamnation de l'adultère, et le simple bon sens suggère qu'un homme choisi par Dieu pour transmettre Sa parole, bâtir Son temple et compter parmi les pères du Messie - on s'attendrait donc à un homme ayant une grande conscience de Dieu - ne se livrerait pas à un péché aussi grave !
D'ailleurs, certaines communautés chrétiennes ont bien compris l'ampleur du problème puisqu'elles ont accusé les juifs d'avoir faussement attribué de tels comportements aux prophètes, qu'elles tiennent comme innocents. Ce simple fait discrédite ton argumentaire.
Séleucide a écrit:Montre-le.
C'est un fait bien connu des historiens. Didier Hamoneau écrit :
"La Torah actuelle est le témoin d'un long martyr et d'une immense catastrophe spirituelle, ainsi que la preuve de l'héroïsme de croyants face au désastre. Ceux-ci sauvèrent grâce à Dieu l'essentiel de la Torah, mais elle avait définitivement perdu de sa pureté originelle." "Cette version actuelle de la Torah doit donc être regardée comme un écho d'une parole divine au milieu d'une œuvre certes humaine mais pathétique et héroïque, en raison du sang pur versé et surtout parce que nous savons qu'au milieu des paroles humaines siègent les Paroles de Dieu ; il est vrai qu'il n'est pas toujours aisé de les distinguer" (d'après La Torah, l'Evangile, le
Coran, pp. 55-56).
La préface de la Bible de Jérusalem, décrivant l'élaboration du texte biblique à travers l'harmonisation de sources plurielles, relate :
"L'analyse de la forme définitive des textes – la seule à laquelle nous ayons accès – montre que l'unification rédactionnelle a beaucoup apporté à la formulation définitive [...] on préfère aujourd'hui parler de deux traditions dont l'ensemble a été élaboré d'une manière progressive, si bien que l'on peut trouver des passages très tardifs au milieu de passages beaucoup plus anciens" (p. 16-17). Ce sont bien là des érudits juifs et chrétiens qui s'expriment, et non des apologistes musulmans.
Les commentateurs chrétiens de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) écrivent à propos des livres de l'Ancien Testament que
"avant de recevoir leur forme définitive", ils
"ont circulé assez longtemps dans le public et portent les traces des réactions suscitées par les lecteurs, sous forme de retouches, d'annotations, voire de refontes plus ou moins importantes" (Traduction Œcuménique de la Bible, édition de 1975, pp. 10-11, cité dans Moïse et Pharaon, les Hébreux en Egypte, pp. 34-35). Dans l'iintroduction de cette même Bible, nous pouvons lire que les savants juifs
"avaient constaté que les manuscrits dont ils disposaient n'étaient pas strictement identiques. Pour remédier à cet inconvénient, ils établirent un texte officiel, en procédant par comparaison de quelques manuscrits existants. Après quoi ils firent détruire les manuscrits non conformes au texte qu'ils avaient retenu. En 1947 cependant on a retrouvé près de la mer Morte quelques manuscrits antérieurs au travail des Docteurs de la Loi (les textes de Qumrân). D'autre part le Pentateuque samaritain, de même que certaines versions anciennes, version grecque dite des Septante, certaines versions araméennes ou Targoums, attestent un état du texte plus ancien" (Traduction œcuménique de la Bible, édition de 1997, p. 13).
Max Dimont, historien juif, dit quant à lui :
" There are two versions of many, many other events, as the perceptive reader of Old Testament may have noticed. Are we dealing with two versions of the same story, or with two different stories merged into one ? [...]
The final fusion of the Five Books of Moses, called the Pentateuch, occurred around 450 B.C. – in other words, not until eight to sixteen hundred years after some of the events narrated in them took place. Is it not reasonable to suppose that in that period of time [i. e. before 450 B.C.], before there were any written records, many changes and alterations must have occurred as the stories and legends were handed down orally from generation to generation ? [...] As a second move toward forging a national religious and spiritual Jewish character, Ezra and Nehemia decided not only to revise the Book of Deuteronomy but to add to it four other Books of Moses. Under their direction, priest and scholar labored diligently to fuse the most important of the divergent Mosaic documents, including the Deuteronomy of Josiah, into the five books of the Pentateuch, namely, Genesis, Exodus, Leviticus, Numbers, and Deuteronomy. All Five Books of Moses were now made divine. From here on, no deletions, changes or additions to the Pentateuch could be made, nor have any been made" (Jews, God and History, New American Library, 2nd edition, p. 28, 31, 63).
... Et dans tout ça, me diras-tu, où est la Torah de Moïse qu'évoque le
Coran ?
Eh bien, cette Torah primitive, qui a préexisté aux différentes réécritures et tentatives de récupération ayant lieu après l'exil à Babylone, et à l'harmonisation des sources qui a suivi, nous retrouvons encore sa trace dans le texte biblique. Josué IX, 28, nous apprend que les paroles que Moïse reçut de la part de Dieu et mit par écrit pouvait tenir sur quelques tablettes de pierre ; c'était donc un texte bien moins conséquent que la Torah actuelle qui ajoute, aux paroles de Dieu, les actes, gestes, et propos attribués à Moïse durant sa mission, sa mort, sans compter les récits de la Génèse relatant les origines du monde et l'histoire des patriarches.
Le
Coran, en parlant de Suhuf-i-Musa, fait bel et bien allusion à cette proto-Torah ; toutes les entreprises humaines qui ont suivi par la suite, aussi louables soient t-elles, ne sont pas prises en compte en tant que paroles divines, bien qu'elles soient considérées comme telles par les juifs et que le
Coran leur reconnaît un fond de vérité.
Séleucide a écrit:Cela étant, je ne pense pas que, faisant mention de l'évangile au singulier, l'auteur du Coran ait en tête le message que le Christ délivra mais bien plutôt le Diatessaron de Tatien qui fut longtemps en honneur dans les milieux syriaques.
Ce qui est non seulement improuvé, mais totalement improbable. Le Diatesseron n'est rien d'autre qu'une harmonisation des quatre évangiles par l'élimination de leurs contradictions et divergences et leur fusion en un seul texte. Or, le
Coran, d'une part, réfute catégoriquement certaines croyances véhiculées par ces quatre évangiles (divinité de Jésus, crucifixion, résurrection...), et d'autre part, ne désigne pas en parlant d'Evangile un récit ou une biographie de la vie de Jésus, mais bel et bien un message divin.
Il serait absurde de penser que dans la phrase
"Nous avons donné l'Evangile à Jésus", l'Evangile fasse référence à une biographie de Jésus ou un récit de ses faits et gestes. De même, quand Dieu dit à Jésus, selon le texte coranique,
"Je t'ai appris le Livre, la Sagesse, la Torah et l'Evangile" (
Coran V, 110), il est impossible qu'Il désigne par là le récit de la vie de Jésus, fusse t-il harmonisé en une seule version.
Non, malgré ton obsession à vouloir rattacher le
Coran à des textes apocryphes et/ou facilement réfutables, le
Coran est clair dans sa définition de l'Evangile, ou de la bonne nouvelle : il s'agit d'un message divin donné à Jésus pour être transmis à l'humanité. Le
Coran ne précisant jamais que ce message est de nature textuelle, alors qu'il le fait concernant les Feuillets d'Abraham, la Torah ou le Zabur, nous pouvons en déduire qu'il est de nature orale. Voilà ce que dit le
Coran ; je m'en tiens à cela.
Séleucide a écrit:Jésus professant une eschatologie proche, il est mal avisé de croire en son enseignement l'annonce d'un prophète à venir.
Et pourtant, l'évangile de Jean laisse clairement entendre que Jésus n'avait pas transmis l'intégralité de son message à ses disciples, et que le Consolateur viendra achever son oeuvre après son départ :
"J'ai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pouvez les porter à présent. Quand le Consolateur, l'Esprit de vérité, sera venu, il vous guidera dans toute la vérité. Car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir." (Jean XVI, 11-12).
Maintenant, que tu considères ce Consolateur comme l'Esprit Saint conformément à l'orthodoxie chrétienne actuelle, ou comme un prophète classique, c'est un autre sujet. Mais puisque tu invoques le point de vue historique, il serait bon de rappeler que certaines communautés chrétiennes primitives attendaient un Consolateur en chair et en os, dans la personne d'un prophète ; Monatus, personnalité chrétienne du IIe siècle, prétendit d'ailleurs vers 173 être le Consolateur annoncé, de même que Mani, qui fondit le manichéisme un siècle plus tard. Eux n'y voyaient aucune contradiction avec l'eschatologie chrétienne telle qu'ils la concevaient.
Séleucide a écrit:Alors que l'auteur du Coran lui est fidèle, en lui assignant des légendes apocryphes sur son enfance.
Il faudrait arrêter avec cette obsession des apocryphes, qui dénote plus d'une réelle partialité que d'une sincère recherche de la vérité. Car, en suivant la même logique que toi, on pourrait aisément faire la même reproche à Jude citant des extraits du livre apocryphe d'Hénoch dans son épître, à Matthieu reprenant des prophéties inconnues de l'Ancien Testament et pourtant attribuées aux Prophètes, ou à l'auteur de l'Apocalypse s'inspirant d'un genre littéraire juif non reconnu comme Ecriture et dans lesquels s'inscrivent des apocryphes comme l'Apocalypse d'Adam ou de Moïse.
Ce que le
Coran affirme en matière de miracle relève de la foi : tu y crois, ou tu n'y crois pas. La perspective de Jésus réalisant des miracles dès son enfance te paraît étrangement inconcevable dès lors qu'elle est appuyée par le
Coran (et tant pis si Jésus est Dieu incarné et omnipotent), mais quand il s'agit des miracles relatés par des évangiles que
tu considères comme canoniques, là, tu n'y vois aucun problème ni aucune impossibilité historique...
Séleucide a écrit:Oui, le Diatessaron dont l'auteur du Coran a naïvement considéré qu'il fut révélé au Christ.
Comme je le vois, tu considères comme un fait tout ce qui pourrait discréditer le
Coran. Encore une preuve de ta partialité. Ecoute, je ne vois pas à quoi servirait de débattre dans ce cas.
Séleucide a écrit:Car si l'auteur ou les auteurs du Coran originel mentionnent bel et bien l'Injil de Jésus, ils font surtout référence, comme cela a été démontré par l'érudit Jan M.F. Van Reeth, au Diatessaron de Tatien, et surtout à sa version syriaque, la seule existant au moins jusqu'au IVème siècle, en usage durant de longs siècles dans la liturgie syriaque. En effet, le Coran utilise visiblement de nombreux éléments empruntés au Diatessaron
"Démontré"... Tout de suite les formules polémistes. Et tant pis si l'identification de l'Injil à un message et NON une biographique est incompatible avec une telle hypothèse, tant pis si la vision de Jésus dans le
Coran est incompatible avec celle véhiculée par ce Diatesseron... En somme, un livre qui ne s'accorde ni dans sa nature, ni dans son alignement religieux avec l'Evangile tel que vu par le
Coran... Mais bon, puisque c'est "démontré"...
Tu viens de baisser dans mon estime en matière de rigueur et d'impartialité.