L'objectif de ce fil n'est pas de parvenir à un syncrétisme religieux entre islam et christianisme, syncrétisme non seulement impossible mais plus encore qui s'avérerait profondément malsain pour les deux religions. En m'appuyant principalement sur D. MASSON, je souhaite simplement ici montrer qu'en soi, la conception trinitaire chrétienne telle qu'elle est développée par l'Eglise ne s'oppose pas à la doctrine coranique relative à Dieu.
- Sourate 112 :
- 1. Dis: «Il est Allah, Unique.
2. Allah, Le Seul à être imploré pour ce que nous désirons.
3. Il n’a jamais engendré, n’a pas été engendré non plus.
4. Et nul n’est égal à Lui».
- Pierre le Lombard, Sentences, cité in MASSON D., « Monothéisme coranique et monothéisme biblique. Doctrines comparées », Desclée de Brouwer, 1976, p. 101. :
- La souveraine Réalité summa res. (i. e. Dieu) est Père, Fils et Saint-Esprit ; cette réalité n'engendre pas ; elle n'est pas engendrée, ni procédant [de quoi que ce soit] (non est generans, neque genita, neque procedens).
- Concile de Latran IV, cité in MASSON D., « Monothéisme coranique et monothéisme biblique. Doctrines comparées », Desclée de Brouwer, 1976, p. 101. :
- Nous, avec l'approbation du Concile, nous croyons et nous confessons avec Pierre le Lombard que cette réalité souveraine est une, incompréhensible et inexprimable ; qu'elle est réellement Père, Fils et Saint-Esprit... Cette réalité, substance, essence ou nature divine appartient aux trois personnes ; elle est seule, principe de toute chose ; rien n'existe en dehors d'elle et cette réalité n'engendre pas, n'est pas engendrée et ne procède [de rien d'autre] ; mais le Père engendre, le Fils est engendré, l'Esprit-Saint procède : de telle façon que les distinctions subsistent dans les Personnes et l'unité dans la nature.
Nous voyons ici que théologies coranique et chrétienne s'accordent pour affirmer que la réalité suprême que l'on nomme Dieu n'est pas engendrée et n'engendre pas ad extra, c'est-à-dire en dehors d'elle-même. Sauf erreur de ma part, le Coran ne se prononce pas sur l'essence même de Dieu, tandis que le christianisme affirme notamment que celle-ci est d'être trine. Il faut ici bien comprendre que l'engendrement éternel et substantiel du Fils fait partie de la nature même de cette réalité suprême. Il ne se fait pas en dehors d'elle mais en elle-même, puisqu'il est depuis toujours sa nature. Plutôt de dire par ailleurs que l'engendrement se fait, ce qui semble induire qu'il y eu un moment où il ne se fit pas, c'est-à-dire que la nature de Dieu serait changeante et évolutive, il serait peut-être préférable de dire que l'engendrement du Fils est, qu'il a toujours été et qu'il sera. L'engendrement ad intra (en Dieu même), "engendrement subtil, sans copulation ni reproduction, ni antériorité ni postériorité; cela à la manière dont l'intellect engendre la parole" n'apparaît donc en rien infirmé dans le Coran : au contraire, c'est l'engendrement ad extra (en dehors de Dieu) qui est constamment dénoncé dans le livre saint de l'islam et abusivement assimilé à la doctrine trinitaire chrétienne. Ainsi, le Coran condamne ceux qui font de Dieu le troisième de trois (V, 73), c'est-à-dire le Fils et l'Esprit comme étant des réalités générées et engendrées en dehors de Dieu, ad extra. Or, une telle position est tout autant condamnée par l'Eglise que par l'islam.
Au-delà de toutes les polémiques christologiques qui peuvent exister entre chrétiens et musulmans, polémiques qui ne concernent pas directement le sujet, je pense que nous pourrons donc ici affirmer qu'une théologie commune entre islam et christianisme est possible, et sera celle qui consiste à affirmer l'impossibilité absolue pour Dieu d'engendrer en dehors de lui ; et si, sauf erreur, les musulmans ignorent tout de la nature même de Dieu, nous pourrons également tenir qu'ils ne leur seront guère possible en principe de nier qu'elle puisse être trine. Partant, les musulmans ne peuvent logiquement pas condamner la doctrine trinitaire chrétienne mais seulement la vision coranique de celle-ci. Ce à quoi les chrétiens s'empresseront par ailleurs d'emboîter le pas, confirmant et validant l'orthodoxie de cette condamnation. Si ces observations sont justes, il reste donc que la principale pierre d'achoppement entre christianisme et islam demeure être l'incarnation et ce qui en découle plutôt que la Trinité en elle-même.
Au-delà de toutes les polémiques christologiques qui peuvent exister entre chrétiens et musulmans, polémiques qui ne concernent pas directement le sujet, je pense que nous pourrons donc ici affirmer qu'une théologie commune entre islam et christianisme est possible, et sera celle qui consiste à affirmer l'impossibilité absolue pour Dieu d'engendrer en dehors de lui ; et si, sauf erreur, les musulmans ignorent tout de la nature même de Dieu, nous pourrons également tenir qu'ils ne leur seront guère possible en principe de nier qu'elle puisse être trine. Partant, les musulmans ne peuvent logiquement pas condamner la doctrine trinitaire chrétienne mais seulement la vision coranique de celle-ci. Ce à quoi les chrétiens s'empresseront par ailleurs d'emboîter le pas, confirmant et validant l'orthodoxie de cette condamnation. Si ces observations sont justes, il reste donc que la principale pierre d'achoppement entre christianisme et islam demeure être l'incarnation et ce qui en découle plutôt que la Trinité en elle-même.