Bonjour à tous.
J'aimerais ici vous faire part d'une réflexion qui m'est récemment venue.
En effet, travaillant depuis peu sur une approche historique du personnage coranique de Jésus, dont je vous ferai bientôt part, j'ai été amené à lire ceci :
Et l'auteur de poursuivre :
D'où la conclusion à laquelle j'aboutis : ce qui est premier en islam n'est certainement pas la critique des idoles et du polythéisme, de l'associationisme supposé de tel ou tel groupe religieux. Ce qui prime, c'est la soumission à Allah et à sa volonté. Conclusion surprenante à vrai dire, mais qui pourtant me semble nécessaire ; je pense en avoir fait la démonstration. Seriez-vous donc prêts à adorer le fils de Dieu, un morceau de bois ou de terre cuite si Allah vous l'ordonnait ?
J'aimerais ici vous faire part d'une réflexion qui m'est récemment venue.
En effet, travaillant depuis peu sur une approche historique du personnage coranique de Jésus, dont je vous ferai bientôt part, j'ai été amené à lire ceci :
- BORRMANS M., « Jésus et les musulmans d’aujourd’hui », Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ », n° 69, Paris, 1996, p. 25:
- Et c’est à la suite de ces enseignements, un peu plus loin, que le texte coranique offre deux versets qui ne cessent d’intriguer lecteurs et commentateurs, car ils supposent une curieuse éventualité de la part de Dieu et une sage disponibilité de la part de Muhammad (43, 81-82) :
81. Dis : « Si le Tout Miséricordieux avait un enfant, alors je serais le premier à l’adorer. »
82. Gloire au Seigneur des cieux et de la terre, Seigneur du Trône ; Il transcende ce qu’ils décrivent.
Et l'auteur de poursuivre :
- Ibid, p. 48.:
- Faut-il faire observer que l’hypothèse envisagée au verset 81 est en arabe, en rigueur de termes, une hypothèse réelle, introduite par in et non pas par law, ce qui ajoute à l’intrigue ?
La proposition est au conditionnelle, certes : je constate cependant dans ma grammaire arabe que les phrases conditionnelles peuvent exprimer toutes les nuances allant du circonstanciel par l'irréel en passant par l'éventualité et l'hypothèse réalisable. Ce sera donc seulement en fonction de la particule utilisée pour la condition que l'on pourra en déterminer le sens.
Or, comme le souligne notre auteur, la particule ici utilisée en arabe est "in" (إن), la même que nous retrouvons dans la célèbre formule in châ' Allâh (إن شاء الله), et elle exprime une hypothèse réalisable par la potentialité ou la probabilité. Par le vocable "law" (لو), la grammaire arabe est cependant assez riche pour exprimer l'hypothèse improbable, douteuse ou irréelle, qui on l'imagine, eût été plus pertinente dans le texte. Alors, comment expliquer que la première particule fut préférée à la seconde, qui eût pu pourtant parfaitement coller dans une figure de rhétorique ?
J'ai réfléchi à la question et je suis arrivé à la conclusion que, contrairement à ce que l'on peut croire, l'idolâtrie n'est pas pour la théologie morale sunnite un acte foncièrement et intrinsèquement mauvais. Ce qui est mauvais ou bon n'est pas l'acte en soi, mais la valeur que la révélation coranique et partant Allah lui donne. Suivant les circonstances, le désir d'Allah ou que sais-je encore, son humeur, un même acte pourra être successivement bon et mauvais. Ainsi, l'idolâtrie, foncièrement condamnée par le Coran, est cependant sérieusement envisagée en ce verset et ordonné en d'autres (je pense notamment à la prosternation des anges devant Adam).
La raison est semble-t-il jugée par la majorité de la tradition sunnite classique, incapable de percevoir le bien et le mal en soi : c'est donc seulement par la révélation que l'homme accède à une véritable éthique. Ce qui est juste et bon est ce que Dieu a ordonné de faire et ce qui est injuste et mauvais est ce qu'il a interdit d'accomplir : voici comment nous pourrions résumer la théologie morale sunnite. Autrement dit : les actes ne sont pas interdits par Dieu parce qu'ils sont mauvais, mais ils sont mauvais car interdits par Dieu. En inspiration directe d'al-ʾAshʿarî, Ibn Hazm peut ainsi écrire :
- URVOY M.-T., « Islamologie et monde islamique », Cerf, Paris, 2016, p. 345. :
- Dieu ne serait même pas lié par sa propre parole et rien ne l'obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l'homme devrait même pratiquer l'idolâtrie.
D'où la conclusion à laquelle j'aboutis : ce qui est premier en islam n'est certainement pas la critique des idoles et du polythéisme, de l'associationisme supposé de tel ou tel groupe religieux. Ce qui prime, c'est la soumission à Allah et à sa volonté. Conclusion surprenante à vrai dire, mais qui pourtant me semble nécessaire ; je pense en avoir fait la démonstration. Seriez-vous donc prêts à adorer le fils de Dieu, un morceau de bois ou de terre cuite si Allah vous l'ordonnait ?