Tet' il n'est pas question de mariage avec des raisins, d'après son étude la notion même de mariage disparait du verset en question.
Je te présente le résumé qu'en fait R. Brague, qui n'est pas un spécialiste en philologie, qui ne soutient pas personnelement cette thèse mais qui a le mérite de la présenter très très clairement.
En tant que femme, (mais je ne suis pas musulmane) je trouve la version de la lecture syro-araméenne plus belle et plus spirituelle.
Adieu aux houris
Luxenberg examine à fond un exemple particulièrement intéressant, quoique le résultat de son enquête soit négatif.
Tout le monde connaît les houris, les vierges du paradis qui alimentent tant de fantasmes. Leur existence n'est d'ailleurs pas sans poser quelques difficultés. Les textes eux-mêmes ne sont pas clairs, à commencer par le mot « houri » lui-même. Il vient de hùr in, communément compris comme signifiant « blanches "quant aux" yeux». Or, de beaux yeux ne sauraient être blancs. Seuls ceux des aveugles le sont (XII, 84).
Les commentateurs expliquent que le blanc des globes fait ressortir le noir des iris (L, 232). Avec cette logique, on dira que Marilyn Monroe était brune, quand sa peau bronzée faisait ressortir le blond de ses cheveux...
Quant à la cohérence du texte, il est dit que les croyants entreront au paradis avec leurs épouses (XXXVI, 56; XLIII, 70), des épouses terrestres, donc. Les pauvres devraient-elles tenir la chandelle pendant que leurs maris s'ébattent avec les houris ? (L, 229).
Les chrétiens tirent souvent argument des houris pour reprocher aux musulmans leur paradis grossièrement matérialiste. Certains musulmans s'en tirent en allégorisant discrètement. D'autres, comme Avicenne, rétorquent que le paradis promis aux chrétiens - la vision de Dieu - pourrait certes convenir à un peuple de philosophes, mais qu'il est trop pâle pour motiver des guerriers et qu'il faut au peuple du tangible [ Avicenne, Epistola sulla vita futura, éd. F. Lucchetta, Padoue, Antenore, 1969, p. 94-96.].
Luxenberg ne craint pas de désespérer Billancourt et nettoie le Coran de ce qu'il considère comme indigne de lui. À propos d'un passage communément compris comme signifiant que personne n'a défloré les houris, on lit un des très rares passages qui, dans ce livre froid, trahissent une émotion : « quiconque lit le Coran en y comprenant un tant soit peu quelque chose ne peut s'empêcher, à ce passage, de se prendre la tête dans les mains. Ce n'est pas la seule ignorance qui est ici responsable. Il faut déjà une bonne dose de culot, dans un livre saint, ce qu'est le Coran, pour s'imaginer quelque chose de tel et pour le prêter au Coran. Nous voulons donc nous efforcer de restituer sa dignité au Coran » (L, 249 et voir aussi 225, 259, 275).
Sous le traitement philologique de Luxenberg, les prétendues houris s'évanouissent. Les passages que l'on Interprétait en ce sens s'avèrent parler non de femmes, mais de... raisins blancs.
Mettons une fois de plus en parallèle les traductions reçues et celles de Luxenberg. Ainsi, XLIV, 54 et LU, 20 :
Nous les aurons mariés à des
Houris aux grands yeux.
Nous les installerons confortable-
ment sous des (raisins) blancs,
(clairs) comme le cristal (L, 226).
Ce passage me permet de donner un exemple pas trop technique de la méthode de Luxenberg. « Nous les avons mariés » traduit zawwajnâhum. Luxenberg suppose rawwahnâhum, dont le ductus ne se distingue de celui du premier mot que par des points diacritiques absents des manuscrits. Le mot fut lu à partir de la conjonction (bi-) qui suit, et suggéra le verbe « marier », lequel régit cette conjonction. Mais la même conjonction, en syriaque, signifie entre autres « parmi, sous. »
Ou encore II, 35 :
[Dans ces jardins, ils auront] des
épouses purifiées.
[...] toutes espèces de (fruits) purs
(L, 242).
XXXVII, 48-49 :
Près d'eux seront des [vierges]
aux regards modestes, aux [yeux]
grands et beaux et qui seront
comme perles cachées,
Pour eux (seront à leur disposi-
tion) (pour qu'ils les cueillent) des
fruits pendants (des raisins), (tels)
des joyaux, comme s'ils étaient
des perles(encore) enfermées
dans la coquille (L, 243).
En fait de joies paradisiaques, le Coran ne connaît donc que le boire et le manger, rien de plus (L, 247). Il ne s'écarte pas sur ce point de la symbolique du banquet eschatologique, présent dans les Écritures antérieures. Voire, il reprend avec Précision une imagerie courante en Orient chrétien, en particulier dans les hymnes sur le paradis d'un auteur qui était très lu dans le milieu d'origine du Coran, le père de l’Èglise syriaque s. Ephrem de Nisibe (L, 234s.).