LE VATICAN ET LE NAZISME
Différents éléments doivent être pris en considération :
- D’une façon générale, selon le droit international, le Vatican est un Etat totalement indépendant qui, comme tout Etat, détermine sa politique et entretient des rapports avec les autres Etats de la communauté internationale par l’intermédiaire d’ambassadeurs. Ce statut lui permet d’ailleurs de siéger à l’ONU et d’exiger le respect des traités signés (Latran avec l’Italie fasciste, le concordat avec l’Allemagne nazie…)
- Si l’on doit classer le Vatican au regard de la nature de son régime politique, il s’agit selon le droit constitutionnel d’une monarchie absolue.
- Le Concordat signé entre le Vatican et le Troisième Reich en juillet 1933 s’imposait à l’Eglise catholique allemande.
- Compte tenu des rapports existants entre cette Eglise et Rome et de l’absolutisme régnant au Vatican, quelle était la marge de manœuvre des ecclésiastiques allemands ? Ces derniers se voyaient dénier toute autonomie, toute liberté d’action. L’autorité de Rome dans ce pays était absolue.
- Dès lors, la position adoptée par la hiérarchie catholique allemande à l’égard du régime nazi concrétisait, sur le terrain, la politique arrêtée à Rome.
- Si ce n’était pas le cas, le Vatican n’aurait pas manqué de dénoncer la désobéissance voire la sécession de l’Eglise allemande.
- Dans cette éventualité, le pape, compte tenu du droit canonique, ne manquait pas de moyens. Il avait notamment la possibilité, par l’intermédiaire de Radio Vatican, d’adresser un message universel très fort de condamnation qui aurait pu provoquer une prise de conscience des catholiques. Il pouvait évoquer la sanction de l’excommunication…
- Mais, le pape a gardé un « silence assourdissant » face à la barbarie nazie et à l’Holocauste. Cette encyclique papale tant attendue n’a jamais vu le jour.
- « La conclusion que l’on peut tirer est la suivante. A l’époque de l’Holocauste, le Vatican a failli à sa mission envers les Juifs » (livre de John Morley « La diplomatie du Vatican à l’époque de l’Holocauste »).
- Certes, les « avocats » ne manquent pas pour expliquer le silence du pape et la léthargie du Vatican. Ils ont évoqué : « un relatif silence » (Lévai) ; « une attente prudente et une réserve éclairée » (le nonce à Vichy) ; l’émotion : « Le pape était visiblement ému et, comme toutes les fois qu’il était ému, il ne trouvait pas de parole » (de Kerdreux) ; un Jésuite du nom de Warszawski tentera même d’expliquer que ce silence était « une invention historique ».
- Dans la mesure où le pape décide d’être aphone durant toutes les années noires pourquoi a-t-il mis un terme à ce choix politique en mai 1945, juste avant la capitulation allemande (auparavant le pape avait tout tenté pour éviter au régime nazi une telle fin…). L’allocation papale, adressée au sacré collège et publiée par l’Osservatore romano condamne pour la première fois, à onze reprises (il fallait vite, très vite rattraper le temps perdu…) le régime criminel nazi.
- Le Vatican fera valoir ses titres de résistant, ceux de l’ensemble de la hiérarchie et de la communauté catholique tout entière. Selon Henri Fabre : « Le ton est donné. D’abord mesuré, le plaidoyer va s’affermir en utilisant au besoin des moyens peu conformes à une authentique investigation de l’histoire. Des textes sont transfigurés par d’opportunes mutilations (…) des documents gênants sont ignorés, des traductions sont contestées par ceux-là même qui ne dédaignent pas d’estropier une langue étrangère pour orienter un texte dans une direction donnée (…) Reste à répandre le nouveau credo (…) Un esprit bien conditionné est prêt à accueillir n’importe quelle contrevérité pourvu qu’elle conforte sa panoplie d’idées reçues (…) »
- Puis, pour expliquer son attitude passive durant la période nazie, le Vatican invoquera l’ignorance. Il est pourtant de notoriété publique que son service de renseignements est le meilleur du monde. A en croire cette autorité spirituelle mondiale, le pape en savait moins sur l’Holocauste que la petite Anne Franck qui, cachée dans un appartement à Amsterdam, consignait dans son journal : « 9 octobre 1942. Beaucoup de nos amis juifs sont petit à petit embarqués par la Gestapo qui ne les ménage pas, loin de là, ils sont transférés dans des fourgons à bétail (…). Nous n’ignorons pas que ces pauvres gens sont massacrés. La radio anglaise parle de chambres à gaz » (Journal d’Anne Franck chez Calmann-Lévy, 1950, page 60)
- A propos du silence du Vatican, le général de Gaulle écrit dans ses mémoires de guerre que l’Eglise est
« au surplus très renseignée » et que « (…) du drame qui bouleverse l’Univers, ses réflexions et son information ne lui laissent rien ignorer »
(Mémoires de guerre chez Plon « l’Unité » p 233).